Joseph Bremont, soldat de l’an II, grenadier de l’Empire



Cet article a été écrit dans le cadre du défi d’écriture proposé par Geneatech à l’occasion de la Semaine Virtuelle de la Généalogie.


C’est en faisant des recherches sur mes ancêtres Pierre Bremand – Jeanne Gousseau, les Sosa 450 et 451 de mes enfants, dans la région de Thénezay, que j’ai rencontré Joseph Bremont, leur fils, soldat de l’Empire, grâce à un relevé publié sur Geneanet.

Indexations Geneanet

Pierre Bremand et son épouse Jeanne sont une de mes épines généalogiques. A ce jour, je n’ai toujours pas été capable de savoir où ils se sont mariés, ni d’où ils viennent. Leurs patronymes sont très communs dans toute la région des Mauges et de la Vendée.

Avant ma rencontre fortuite avec Joseph, voici à quoi ressemblait leur famille.

L’indexation de Geneanet permet d’accéder directement au registre de contrôle des troupes concerné. Voici ce que j’y découvre.

Mémoire des Hommes – SHD/GR 20 YC 135 vues 382-383

Cette fiche matricule fait partie des registres matricules des sous-officiers et hommes de troupe de la garde, dans la partie cavalerie – Grenadiers à cheval – Régiment de grenadiers à cheval de la garde des consuls, devenu 1er régiment de grenadiers à cheval, consultable sur Mémoire des Hommes.

Joseph Bremont, fils de Pierre Brémont et de Jeanne Gousseaux, y est dit né le 8 aout 1773 à Toucheronde, canton de Thenezay, dans les Deux-Sèvres. Il mesure 1,78m, a les cheveux châtains et les yeux gris. Il est recruté le 30 prairial an 2 comme grenadier dans le 8ème régiment de chasseurs à cheval. Il porte le matricule 954. Le 12 floréal an 10, il passe dans son nouveau régiment, il est promu légionnaire le 3 messidor an 12 et meurt à la bataille d’Eylau le 8 février 1807.

C’est très intéressant tout ca, mais sans mise en perspective et recherches complémentaires, ca ne me dit pas grand chose.

Reprenons ces différents éléments.

Joseph serait né le 8 août 1773 à Toucheronde, canton de Thénezay. Touche Ronde n’est pas une paroisse, c’est un hameau, dans la forêt de Pressigny, un peu à l’ouest de Thénezay. On voit le hameau localisé sur la carte de Cassini, mais il ne figure plus cent ans plus tard sur la carte d’état major.

Toucheronde n’a jamais été une paroisse. L’acte devrait se trouver dans les registres de Thenezay, mais il n’y est pas. Il n’est pas non plus dans les registres de Pressigny et Aubigny, les deux paroisses les plus proches de Toucheronde. Je note qu’il semble manquer une ou plusieurs pages dans le registre de Thenezay, qui n’est pas relié totalement dans l’ordre. Un feuillet d’actes entre juin 1773 et décembre 1773 pourrait être manquant.

Même s’il semble impossible a priori de valider la date de naissance de Joseph grâce à son acte de baptême, je pense que le registre matricule est fiable. En tout cas il est cohérent. Si Joseph est né en 1773, il a 20 ans en 1793. A t’il échappé à la première levée de troupes de 1792 ? Les premières armées de la Révolution, celles qui avaient empêché les troupes étrangères d’envahir la France et de mettre un coup d’arrêt à la révolution, se sont éparpillées. Il faut à nouveau lever des troupes, en masse. Lors de cette seconde réquisition, le département des Deux Sèvres envoie 7013 soldats rejoindre l’armée des soldats de l’an II, comme la tradition populaire les a appelés.

Parmi eux, Joseph Brémand/Bremont, bientôt 21 ans, grand gaillard de 1,78 m, une taille pas si fréquente dans les campagnes poitevines, qui quitte donc la maison paternelle en juin 1794 pour rejoindre le 8ème régiment de chasseurs à cheval, en garnison à Besançon, bien loin de sa famille. Joseph vit dans une ferme, il est grand – surtout pour l’époque – et il connait assez les chevaux pour être intégré dans un régiment de cavalerie légère. Il est intégré à son régiment le 18 juin 1794. Un état des effectifs dans les dépôts de cavalerie indique qu’aux environs du 19 juin 1794, ils sont 421 hommes au dépôt du 8ème chasseurs à Besançon, commençant ou complétant leur instruction avant de rejoindre leur régiment.

Le 8ème régiment de chasseurs à cheval appartient alors à l’Armée du Rhin. En décembre 1793, il a pris part à la bataille de Wissembourg, remportée par l’armée française contre la Première coalition.

Joseph et les nouvelles recrues vont passer quelques semaines au dépôt en instruction. Il s’agit principalement d’apprendre à respecter la hierarchie et obéir aux ordres, et à se tenir à cheval. L’instruction n’est pas assez longue pour apprendre véritablement les opérations spécifiques aux régiments de cavalerie, les jeunes chasseurs apprendront principalement sur le tas.

On peut imaginer qu’à l’automne, Joseph a rejoint le régiment et participe aux opérations militaires.

Les combats s’enchainent, au sein de l’armée du Rhin et Moselle, puis de l’armée du Danube. A Paris, la Convention Nationale laisse place au Directoire, Bonaparte est nommé général en chef de l’armée d’Italie et part en Italie, puis en Egypte. Le 8ème régiment de chasseurs fait partie des troupes qui en France et sur les frontières font face à la Deuxième Coalition, dont le but est de contenir la France révolutionnaire, et de rétablir la monarchie. Le 26 septembre 1799, le régiment appartient à l’armée qui sous le commandement de Masséna s’empare de Zurich et met en déroute l’armée russo-autrichienne. Quelques semaines plus tard, le 18 Brumaire an VIII – autrement dit le 9 novembre 1799 – , Bonaparte déjà général en chef, prend le pouvoir et met fin au Directoire. Le Consulat commence. Mais la guerre continue et le régiment gagne une nouvelle citation le 3 décembre 1800, lors de la bataille d’Hohenlinden.

Le 9 février 1801, le traité de Lunéville met fin à la guerre contre la Deuxième coalition. Le 8ème chasseurs rentre en France et prend garnison à Thionville.

Le 17 ventose an X – 8 mars 1802 – le Premier Consul réorganise sa Garde consulaire, arme d’élite qu’il veut plus splendide et plus nombreuse. Il y inclut un régiment de grenadiers à cheval, composé de quatre escadrons, de deux compagnies chacun, avec son état-major.

Les conditions de recrutement sont précisées. L’admission dans ce nouveau corps est considérée comme une récompense de la bravoure et de la conduite passée. Le soldat admis dans le corps doit être en activité, avoir fait au moins quatre campagnes, avoir obtenu des récompenses pour faits d’arme ou avoir été blessé. Il doit mesurer plus d’1,80 m pour les grenadiers, 1,70 m pour les chasseurs, et avoir toujours eu une conduite irréprochable.

Le général de brigade Jean-Baptiste Bessières commande la cavalerie, le colonel Michel Ordener commande les grenadiers à cheval.

C’est donc un véritable honneur qui est fait à Joseph Bremont quand il rejoint, avec une partie de ses compagnons d’armes, ce nouveau régiment de grenadiers à cheval de la garde consulaire. Sans qu’on en sache plus sur ses états de service, il est clair que son parcours militaire a jusqu’alors été brillant. Il n’a pas fait que survivre.

Le 2 mai 1802 – 12 floreal an X – , Joseph qui a 29 ans quitte donc le 8ème régiment de chasseurs à cheval pour devenir grenadier au sein du régiment des grenadiers à cheval de la garde des consuls, dont un des registres de contrôle des troupes, celui qui m’intéresse, porte la cote SHD/GR 20 YC 135. C’est là qu’on lui attribue le numéro matricule 954, et qu’on établit la fiche matricule qui a été indexée.

Le 10 thermidor an XII – 29 juillet 1804 – celui qui est désormais l’empereur Napoléon transforme la Garde consulaire en Garde impériale, attachée au service de sa personne.

Tout est prévu dans ce décret, y compris les uniformes et les harnachements des chevaux.

La solde journalière du grenadier cavalier est de 450 francs par an.

Le 22 juin 1804 – 3 messidor an XII – est un grand jour pour Joseph. Ce jour là, il reçoit la légion d’honneur, cette décoration qui n’a été créée que deux ans plus tôt, le 19 mai 1802, par Bonaparte, alors Premier Consul, pour honorer les militaires et civils ayant rendu des services éminents à la Nation.

Joseph Brémont n’est pas dans la liste Léonore, mais il apparait bien dans un des cinq tomes du livre Fastes de la Légion d’Honneur.

Joseph Brémont, le frère ainé de mon ancêtre Renée Bremand, appartient à la toute première liste des récipiendaires de la Légion d’Honneur, et il l’a probablement reçue en personne de Bonaparte au camp de Boulogne. Sa famille l’a t’elle su ? Où la décoration a t’elle disparu ?

La paix est revenue en France, le 1er décembre 1804 Bonaparte épouse Joséphine de Beauharnais, et le 2 décembre le couple est couronné.

David – Le couronnement de l’impératrice Joséphine – Musée du Louvre

Mais la paix n’a qu’un temps et à l’été 1805, la Troisième Coalition entre en guerre contre l’Empire de Napoléon.

Dans la mise en place des troupes napoléoniennes, les grenadiers de la Garde impériale sont rarement amenés à combattre. Ils sont habituellement tenus en réserve auprès de Napoléon, et ne sont envoyés que rarement au feu, mais à chaque fois leur intervention est capitale.

C’est le cas à Austerlitz, le 2 décembre 1805, où la garde impériale met en déroute la garde de l’empereur russe et participe clairement à la victoire qui met à mal l’armée de l’empereur autrichien.

A Iena, en octobre 1806, les armées de Napoléon obtiennent une victoire claire contre la Prusse, sans que les grenadiers à cheval soient engagés.

Napoléon continue à avancer, pour affronter cette fois les armées de l’empereur russe.

C’est en Prusse, à Eylau, que les armées se font face au matin du 8 février 1807. Il y a environ 75 000 hommes de part et d’autre. Il fait très froid sur le champ de bataille. Les premiers engagements ne tournent pas à l’avantage de l’armée française. En début d’après midi, Napoléon demande à Murat de faire charger la réserve de cavalerie, y compris les grenadiers à cheval de la garde impériale, sous le commandement du colonel Lepic, environ 70 escadrons. Après deux charges sans engager toute sa cavalerie, Murat décide d’envoyer toutes ses forces simultanément. Cette fois ci, la ligne russe est enfoncée. Les grenadiers emportés par leur élan dépassent même les lignes, doivent faire demi tour et revenir en chargeant à nouveau. A la fin de la journée, Napoléon aura une nouvelle victoire à son actif, mais les pertes en hommes et officiers sont terribles.

Les Grenadiers à cheval de la Garde à Eylau _ Edouard Detaille 1893 – Musée Condé de Chantilly

C’est probablement au cours de cette charge de cavalerie célèbre et meurtrière que Joseph Bremont a trouvé la mort. Il n’avait que 34 ans.

Au village, dans le Poitou, le père de famille, Pierre Bremand, est mort le 16 octobre 1805, à Thenezay. Renée, l’une des soeurs, est une toute jeune veuve, les trois frères, Jacques, Jacques et Pierre, sont mariés. Quant à Jeanne Gousseau, la mère de Joseph, elle a 67 ans. Tout le monde vit à Thenezay. Que savent ils de Joseph, si loin de leur monde. Ont ils des nouvelles? Est il à l’occasion venu en permission, voir ses parents, ses frères et soeurs?

L’acte de décès de Joseph Bremont n’a apparemment jamais été transmis à Thenezay pour transcription. Peut être cherchait on où se trouve Touche ronde ? J’ignore si la famille de Joseph a eu connaissance de sa mort, si sa mère, qui est décédée en septembre de la meme année, a su que son fils ainé ne reviendrait plus.

Retrouver le parcours de cet oncle très lointain a été pour moi une véritable surprise.

Mon grand-père, l’arrière arrière petit neveu de Joseph, a lui aussi – mais par choix, pas par réquisition – quitté la ferme pour suivre une carrière militaire, lui aussi dans la cavalerie. Nous savons désormais qu’il n’était pas le premier cavalier de la famille.

Achille Reau, mon grand père

Sources et liens

  • Gallica – Titre :  Histoire des Deux-Sèvres / Antonin Lévrier Auteur :  Lévrier, Antonin (1849-1892). Auteur du texte Éditeur :  (Niort) Date d’édition :  1885
  • Wikipedia – 8e régiment de chasseurs à cheval
  • Cavaliers et blindés d’hier et d’aujourd’hui – Le 8ème régiment de chasseurs
  • SEHRI – Les armées de ligne de la Révolution
  • Gallica – Titre :  La cavalerie pendant la Révolution, du 14 juillet 1789 au 26 juin 1794 : la crise / par le commandant… Édouard Desbrière,… et le capitaine Maurice Sautai,… Auteur :  Desbrière, Édouard (1859-1924). Auteur du texte Auteur :  Sautai, Maurice (1868-1915). Auteur du texte Éditeur :  Berger-Levrault (Paris) Date d’édition :  1907
  • Gallica – Titre :  Napoléon Ier et la garde impériale / texte par Eugène Fieffé,… ; dessins par Raffet Auteur :  Fieffé, Eugène (1821-1862). Auteur du texte Éditeur :  Furne fils (Paris) Date d’édition :  1859 – voir pages 37 et 38, la bataille d’Eylau
  • Gallica – Titre :  Histoire anecdotique, politique et militaire de la Garde impériale / par Émile Marco de Saint-Hilaire ; illustrée par H. Bellangé, E. Lamy, de Moraine, Ch. Vernier… Auteur :  Saint-Hilaire, Émile Marco de (1796-1887). Auteur du texte Éditeur :  (Paris) Date d’édition :  1847
  • Gallica – Titre :  Fastes de la légion-d’honneur : biographie de tous les décorés accompagnée de l’histoire législative et réglementaire de l’ordre. Tome 5 / par MM. Liévyns,…, Verdot,…, Bégat,… Auteur :  Liévyns, A.. Auteur du texte Auteur :  Verdot, Jean-Maurice (1807-18..). Auteur du texte Auteur :  Bégat, Pierre (1800-1882). Auteur du texte Éditeur :  (Paris) Date d’édition :  1844-1847

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