Les filles d’Helena 7 – Louise Angelle Reau
Pour cette nouvelle participation du blog au Challenge AZ initié par Sophie Boudarel, de la Gazette des ancêtres, je vous emmène sur les terres ancestrales de ma mère, dans le village de Latillé en Poitou.
A l’été 2016, j’avais commencé une enquête généalogique pour retrouver les descendantes de mon ancêtre la plus éloignée dans ma branche matrilinéaire, celle qui m’a transmis de mère en fille mon ADN mitochondrial, identifié comme appartenant à l’haplogroupe H5a2. J’ai improprement nommé cette descendance les Filles d’Helena.
Retrouvez tous les épisodes précédants ici
- Le clan d’Helena
- Les filles d’Helena 1 – Le cadre de mes recherches
- Les filles d’Helena 2 – Génération 12 – Les cousines Imbert
- Les filles d’Helena 3 – Le temps du doute et des hypothèses
- Les filles d’Helena 4 – Les soeurs Laventurier
- Les filles d’Helena 5 – Jeanne Baudet
- Les filles d’Helena 6 – Marie Jeanne Baudet
Elle s’appelle Louise. Elle aurait pu s’appeler Noëlle, cette petite fille venue au monde au soir du 25 décembre 1848, dans la maison de ses parents, François Louis Reau et Marie Anne Delaitre, dans le petit village de La Vaupérouse, sur la commune de Chalandray.
Elle s’appelle Louise Angelle Reau, c’est mon arrière arrière grand mère.
Avant de vous raconter son histoire, laissez moi mettre l’accent sur une particularité de Louise. Par sa mère, elle est descendante de la lignée matrilinéaire de mon arbre. Son Adn MT, l’Adn mitochondrial , qu’elle a reçu de sa lignée maternelle depuis la nuit des temps, et qu’elle m’a transmis à travers sa fille, mon arrière grand mère Marie Angèle Quintard, puis sa petite fille, ma grand-mère Marie Rose Guignard, et enfin son arrière petite fille, ma mère Michelle Reau, appartient à l’haplogroupe H5a2. Par son père, François Louis Reau, elle descend de la lignée patronymique à laquelle maman appartient, la lignée Raud/Rault/Reault/Reau, dont je remonte les origines depuis Cholet, au tout début du XVIIe siècle. Sa petite fille Marie Rose Guignard va épouser en novembre 1926 Achille Reau, petit fils d’Hilaire Reau, frère aîné de Louise. Par la magie des implexes, les lignées matrilinéaire et patronymique de Louise sont donc exactement les mêmes que les lignées matrilinéaire et patronymique de maman et de ses frère et soeurs.
Quand Louise vient au monde dans le village de La Vaupérouse, à Chalandray, ses parents, mariés à Gourgé en 1841, se sont installés depuis peu de temps sur le territoire de la Vienne. La sœur aînée de Louise, Marie Magdeleine, est née à La Peyratte, tout comme son frère Hilaire, né dans le village du Coût.
En 1851, un quatrième enfant, Louis Alexandre, agrandit la famille.
François Louis, le chef de famille, est journalier. L’agent recenseur de Chalandray note que la famille habite à la Vaupérouse en 1851, à Poireil en 1856, à la Roussière en 1861. C’est d’ailleurs la dernière année que les quatre enfants habitent avec leurs parents.
En octobre 1864, la sœur aînée, Marie Magdeleine, 22 ans, épouse à Chalandray François Alexandre Quintard, 26 ans, et le couple s’installe à Latillé. Louise et son frère aîné Hilaire sont domestiques à la Brissonnerie, à côté de Cramard. C’est là qu’ils sont recensés, chez la veuve Chenier, en 1866. Hilaire a 20 ans, Louise en a 18. Les parents, François et Marie Anne, habitent toujours à la Roussière, avec Alexandre leur plus jeune fils.
Les années passent, rythmées par les naissances des enfants de Marie Magdeleine, à Latillé.
Mais l’année 1870 vient bouleverser la vie de Louise. Sa mère Marie Anne Delaitre meurt le 25 février 1870, à l’âge de 58 ans. A l’automne, Marie Madeleine, la soeur ainée, met au monde une petite fille qui ne vit qu’à peine un mois. Alexandre passe le conseil de révision et se prépare à partir pour servir pendant trois ans dans la garde nationale à Poitiers. Quant à Hilaire, avec qui Louise travaillait, il a rencontré une jeune fille de son âge, Sophie David, qui vit avec ses parents à Cramard, pas très loin de la Brissonnerie où il travaille.
Le jeudi 28 septembre 1871, Hilaire épouse Sophie à Chalandray, et s’installe avec elle à la Vaupérouse, dans la maison de son père. Que s’est il passé au mariage ? Quatre jours plus tard, le lundi 2 octobre, François Reau, le père de famille, décède chez lui, à la Vaupérouse. Quel début de vie conjugale inhabituel et compliqué pour le jeune couple.
Quant à Louise, elle est alors enceinte depuis quelques semaines, d’un enfant dont le père ne sera jamais connu officiellement. Elle part vivre chez sa sœur Marie Madeleine, aux Cloux à Latillé, où elle travaille comme servante et où elle s’occupe des deux garçons, Pierre Augustin, né en 1865, et François Alexandre, né en 1868. Marie-Madeleine est elle aussi enceinte, de son quatrième enfant.
Le 2 avril 1872, Louise, 23 ans, met au monde dans la maison de son beau-frère François Quintard, à la Paploterie, un garçon déclaré de père inconnu, qu’elle prénomme Louis. C’est François Quintard qui se charge de déclarer le bébé de sa belle-soeur. Mais Louise ne peut matériellement pas garder avec elle son enfant. Si ses parents étaient encore là, peut-être les choses seraient elles différentes. Mais elle vit chez son beau-frère, un simple journalier, lui aussi chargé de famille. Comment prendre soin de cette bouche supplémentaire ? Et Louis est confié à l’hospice à Poitiers. Peut-être pourra t’on plus tard le reprendre ? Malheureusement, comme souvent à cette époque, plus souvent encore pour les enfants qui ne sont pas restés près de leur mère, Louis meurt, à Poitiers, le 19 août 1872.
Quinze jours plus tôt, le 30 juillet 1872, Marie Madeleine a mis au monde une petite fille, Marie Augustine. Mais la maman est affaiblie, fatiguée, et à la fin de l’hiver suivant, le 20 avril 1873, elle décède dans la petite maison de la Paploterie.
C’est maintenant Louise qui va s’occuper de ses deux neveux, de sa nièce, et de son beau-frère …. S’occuper, oui, mais un peu trop …
Et Louise, célibataire, servante chez son beau-frère, se retrouve une nouvelle fois enceinte. Mais cette fois ci, le père est connu, et officiel. Louise est enceinte de son beau-frère, avec lequel elle habite. J’imagine les ragots à Latillé, les regards en coin à la messe ….
Le 5 décembre 1874, Louise met au monde une petite fille, Marie Angèle, mon arrière grand mère.
N°43
Quintard Marie Angèle (naturelle)
5 xbre
L’An mil huit cent soixante quatorze, le cinq décembre à six heures du soir,
en la mairie et pardevant nous Malapert Gusma, maire et officier de l’était civil de la
commune de Latillé, canton de Vouillé, département de la Vienne,
a comparu : François Alexandre Quintard, âgé de trente six ans, juournalier, demeu
rant au bourg de Latillé,; Lequel nous a présenté un enfant du sexe féminin dont
il se reconnait le père, et qu’il a déclaré être né en son domicile, ce matin, à six heure,
de la fille Louise Angèle Reau, âgée de vingt cinq ans, domestique, aussi domiciliée en
ce dit bourg, et auquel enfant il a donné les prénoms de Marie Angèle.
Les dites déclaration et présentation faites en présence des sieurs Benoît Louis,
âgé de quarante deux ans, instituteur, et Zacharie Menanteau, âgé de cinquante cinq ans,
garde champêtre, demeurant tous les deux en ce dit bourg de Latillé.
Lecture à eux faite du présent acte, les témoins seuls l’ont signé avec nous, le
comparant ayant déclaré ne le savoir.
François souhaite épouser Louise, mais épouser sa belle-soeur est compliqué. Il leur faut une dispense du Président de la République, qu’ils obtiennent le 22 juin 1875.
Les parties ayant obtenu des dispenses d’alliance ainsi qu’il
résulte du décret du Président de la République en date à Versailles
du vingt deux juin dernier, lequel nous a été représenté. Aucune
opposition au dit mariage ne nous ayant été signifiée, faisant droit
à leur réquisition, lecture faite tant des actes représentés qui demeure
ront annexés au présent après avoir été paraphés par les parties et
par nous, que du chapitre six du titre du code civil intitulé Du
Mariage, avons demandé aux contractants s’ils veulent se prendre
pour époux. Sur leur réponse séparée et affirmative, déclarons, au nom
de la loi, que François Alexandre Quintard et Louise Angelle Reau sont
unis par le mariage
Le 28 septembre 1875, le mariage a lieu à Latillé, en présence de Françoise Chartier, la mère de l’époux, 73 ans, seule survivante de la génération précédente, qui demeure à la métairie de la Chèze. Marie Angèle, 9 mois, est légitimée par le mariage de ses parents.
François Alexandre et Louise vont avoir ensemble quatre autres filles et un seul fils, tous nés à Latillé, au Bardeau :
- Augustine Clarisse, née le 12 décembre 1877
- Nelly, née le 17 décembre 1881
- Alice, née le 24 octobre 1884, morte à 10 ans le 27 décembre 1894
- Alexandrine, née le 19 août 1888, qui repose au cimetière de Latillé dans la même tombe que sa soeur ainée Marie Angèle
- et Auguste, le petit dernier, le seul des frère et soeurs de mon arrière grand mère que j’ai assez connu pour m’en souvenir.
Louise et son mari François sont présents pour le mariage de leurs filles, mais j’ignore si une photo de groupe a été prise. Je ne possède que la photographie de mariage du couple de mes arrières grands parents.
François Alexandre Quintard meurt à 73 ans, le 11 février 1912. De ses deux fils et trois filles toujours vivants à son décès, il a trois petits enfants, nés tous les trois à Latillé :
- Joseph Auguste Lutreau, le fils d’Augustine, né le 4 mars 1906
- Marie Rose Guignard, ma grand mère, la fille de Marie Angèle, née le 13 mars 1908
- Jeanine Marguerite Grateau, la fille d’Alexandrine, née le 5 janvier 1911
Il n’y aura pas d’autres petits enfants après sa disparition.
A ce jour, je ne sais pas dans quelle tombe du cimetière de Latillé François Alexandre Quintard est inhumé. Est ce dans la même tombe qu’on va inhumer Louise après son décès à 68 ans, le 20 février 1917? Louise aura vécu à la fin de sa vie de nouveaux drames familiaux : la mort de son gendre Adrien Guignard en mai 1915, loin des siens ; le décès de sa petite fille Jeanine; et le départ pour la guerre de son fils unique Auguste en décembre 1914, avant même son 20ème anniversaire.
Je n’avais que 12 ans quand mon arrière grand mère est morte, j’étais trop jeune pour avoir eu l’idée de lui poser des questions, de lui demander de me raconter sa vie, et l’histoire de sa maman. J’aurais pu, j’aurais dû, parler d’elle avec Auguste, mon cher arrière grand oncle, quand nous allions lui rendre visite dans sa maison à Chasseneuil-du-Poitou. J’aurais dû, mais je ne savais pas, j’ai laissé filer le temps, et les souvenirs …. et peut-être les photos.
Je n’ai que quelques actes, quelques documents dans les archives, pour me souvenir de Louise, quelques documents, et cet adn mitochondrial qui nous lie intimement, elle et moi.
Sources et liens
- Persée – Sutter Jean, Lévy Claude. Les dispenses civiles au mariage en France depuis 1800. In: Population, 14ᵉ année, n°2, 1959. pp. 285-304. DOI : 10.2307/1526411
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