Eplucher des registres, en lisant tous les actes l’un après l’autre, à la recherche de nos ancêtres cachés au hasard des pages, est rarement synonyme de joie et de sourire. Lire au fil des pages ces actes de décès de bébés, de jeunes femmes mortes en couche, de pères jeunes qui laissent des familles démunies, ou l’acte de décès de cette femme morte de froid près d’une métairie, à quelques centaines de mètres de chez elle, c’est le quotidien du généalogiste.
Et puis, en tournant virtuellement une page du registre de Murat-sur-Vèbre, paroisse de Saint-Etienne-de-Murat – 1688-1691 , vous découvrez un acte qui vous interpelle, le mariage à Murat-sur-Vèbre, dans l’actuel département du Tarn, d’un jeune homme venu de Vieussan, dans celui de l’Hérault. Les deux localités ne sont pas toutes proches, et le paysage de montagne ne rend pas la circulation facile dans ce Haut Languedoc.
Si vous voulez aller aujourd’hui de Vieussan à Murat-sur-Vèbre, voici les trajets qu’une application classique de GPS vous proposera.
Alors imaginez la situation en 1690, quand le trajet se fait à pied dans la majorité des cas, sans chaussures de randonnées sophistiquées, ni vêtements appropriés. Sur la carte de Cassini ci dessous, j’ai surligné en bleu la route indiquée au travers des montagnes. En 1688, cette route existait elle déjà ? Il y a probablement des chemins de traverses que connaissent les gens de la région, mais on voit clairement que les deux localités ne sont ni proches l’une de l’autre, ni faciles d’accès.
Tout commence le 11 novembre 1690 par un mariage à Saint Etienne de Murat.
Jean bouysseson aage de 23 ans fils de guilhaume et de berna__
Martine du lieu de bouysseson parroisse de vieussan, et a _
boutet fille de pierre, et de cecille bousquet de peyroux prst
jean boutet frere de l espouse, et de Charles fabre beau frere _
et de pierre fouilhe cousin de l espoux et de Jean Soubeyron _
de l espouse non signés pr ne scavoir
Si cet acte a attiré mon attention, c’est parce que l’époux et son cousin portent des noms, Boissezon et Fouilhe, qui font partie de mon ascendance dans le village de Vieussan justement.
L’anecdote est amusante, mais ce n’est qu’une anecdote.
Quelques pages plus loin, en plein hiver, le 14 février 1691, jour de la Saint-Valentin, c’est un nouvel acte de mariage, toujours à Murat-sur-Vèbre, qui nous rappelle que l’amour n’est pas qu’une invention des poètes – ou du moins c’est le sens que je donne à cet acte.
sacrement de Mariage a pierre foulhie aage de 28 _
du lieu de dieussan diocese de beziers et a Jeanne _
aagee de 24 ans du masage de peyroux prsts _
fabre, pierre pinent dud peyroux et simon vayssiere
d estienne valamay du lieu de Murat non signé _
ne scavoir
Le Pierre Fouilhe qui se marie le 14 février, c’est à n’en pas douter celui qui était témoin au mariage de son cousin Jean Boisseson quatre mois plus tôt. Je me plais à penser que c’est lors du mariage qu’il a rencontré Jeanne, et qu’ils sont tombés amoureux. Après tout, l’amour au XVIIIe siècle n’est pas réservé aux princes et aux héros romanesques.
Ont ils vécu heureux et eu beaucoup d’enfants ? Pour l’instant je l’ignore, je n’ai pas encore remonté le rameau de mes ascendants Fouilhe de Vieussan et de Roquebrun – j’ai en effet deux fois le patronyme dans mon ascendance – mais j’espère que je vais découvrir un lien de parenté entre Pierre et mes deux ancêtres.