Ce n’est pas de Fridtjof Nansen, explorateur polaire norvégien, que je vais vous parler, mais du document qui porte son nom, le passeport Nansen.
Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’à la suite de la révolution russe de 1917, et de la guerre civile entre bolchéviques et monarchistes, communément appelés « russes blancs », de nombreux russes ont choisi de fuir leur pays au début des années 1920.
Les grands parents de mon mari, Michel Snejkovsky et Adele Kuehner, ont fait partie de cet exode.
Le 15 décembre 1922, l’état soviétique révoque la nationalité de tous ces émigrés. Jusqu’à cette date, ils étaient exilés peut être, mais de nationalité russe. A compter de ce 15 décembre, ils deviennent apatrides, c’est à dire des citoyens qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de ses lois.
En quoi est ce un problème, me direz vous ?
N’ayant plus d’identité officielle, liée à une nation , ces personnes ne peuvent plus voyager. Or un exilé, par principe, est quelqu’un qui voyage, au moins jusqu’à ce qu’il ait trouvé un pays qui accepte de l’accueillir, dans un premier temps, et de lui donner à nouveau une nationalité, dans un second temps.
Le passeport Nansen a au départ surtout bénéficié aux russes exilés, puis très vite les Arméniens et Assyriens fuyant l’ancien empire ottoman en ont bénéficié. Aujourd’hui, il est toujours d’actualité, malheureusement.
Fridtjof Nansen était président de la délégation norvégienne auprès de la Société des Nations à Genève en 1920. Haut Commissaire pour les réfugiés en 1921, il s’est intéressé aux sorts de ces nouveaux apatrides, qui avaient impérativement besoin de papiers d’identité reconnus par la communauté mondiale pour pouvoir survivre et reconstruire leurs vies. On lui doit l’invention de ce passeport Nansen, premier instrument juridique utilisé dans le cadre de la protection internationale des réfugiés.
Adele et Michel ont eu un passeport Nansen. Voici la copie de celui d’Adèle daté de 1951. S’agissait il d’un renouvellement ou d’un premier établissement, je l’ignore, mais peut être devrais je aller faire des recherches aux archives de l’OFPRA. Que dis je peut être, sûrement …
Boris, leur fils, a demandé et obtenu la nationalité française le 15 avril 1937, à temps pour pouvoir faire son service militaire et participer – avec héroïsme, ses camarades d’arme en témoignèrent – aux débuts de la 2nde guerre mondiale. Dans les années 1970, dans des circonstances que je raconterai peut-être un jour, un haut fonctionnaire soviétique en poste à Paris lui proposa un visa illimité pour l’URSS. Ce à quoi Boris répondit qu’aussi longtemps qu’on exigerait qu’il ait un visa pour se rendre dans son pays natal, il n’y mettrait pas les pieds …. Il y a des blessures qui ne se guérissent pas. Quitter son pays natal et ne jamais y revenir est une souffrance que certains commentateurs de l’actualité choisissent à tort d’ignorer …
La liste des titulaires du passeport Nansen est longue, très longue, et de très nombreux noms célèbres y figurent : Rachmaninoff, Stravinski, Chagall, Nabokov, la Pavlova, et tant d’autres …. et les arrières grands parents de mes enfants ….
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