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Le 28 février 1869, le vicaire de la paroisse Saint Léon de Tenes, sur la côte de l’Algérie, célèbre le baptême de Lazarine Baptistine Marie Blanco et de Philomène Léonie Gaëtana Blanco, soeurs jumelles nées le 23 février, au domicile de leurs parents, Jose Francisco Blanco et Josepha Burgos (1). Philomène est mon arrière grand mère, la grand mère paternelle de mon père.
Ses parents sont originaires de Guardamar del Segura, dans la province d’Alicante en Espagne. Jose Francisco, qui a 46 ans à la naissance de ses filles, est probablement arrivé en Algérie avant 1850, puisque sa mère, Damienne Garcia, est morte à Tenes en décembre 1850. Josepha a 35 ans, elle est arrivée avec ses parents, Jacinto Burgos et Maria Gaetana Aldeguer, ses deux jeunes soeurs et son frère, tous nés en Espagne, entre 1845 et 1850.
Le couple s’est marié à Tenes le 23 février 1852 (1)(2), et je lui connais avec certitude, en plus des jumelles Lazarine et Philomène, trois autres enfants : Angela Maria, née en 1857, Virginie née en 1862 et Joseph né en 1876. Les seules archives conservées pour l’instant aux Archives Nationales d’Outre-Mer pour Tenes sont les actes de mariage, qui m’ont permis de retrouver la trace d’Angela et de Virginie, et les registres matricules, grâce auxquels j’ai retrouvé Joseph. Si d’autres enfants sont morts en bas âge, je n’ai pas actuellement la possibilité de les retrouver.
Je ne sais rien de l’enfance et de la jeunesse de Philomène, je ne sais même pas avec précision combien de temps la famille a habité à Tenes. Grâce au mariage de ses soeurs ainées, je sais que la famille habitait encore à Tenes en 1884. En revanche, quand Jose Blanco, le père de famille, meurt à 68 ans, le 19 mars 1892, il habite Orléansville.
Philomène, de son côté, habite à Alger, au 28 de la rue Saint-Augustin, quand elle met au monde le 24 mai 1895 un enfant mort-né, de père inconnu. Enfin, inconnu sur le papier, puisque 14 mois plus tard, le 26 juillet 1896, elle accouche à nouveau d’un garçon, que le père, Jean Joseph Billard, un fringant cavalier qui vient de terminer son engagement au 5e chasseurs d’Afrique, reconnait. Pour moi, il est plus que probable que le bébé mort-né de Philomène était aussi le fils de Jean Joseph. Ajoutons à cela qu’en 1895, quand il quitte l’armée, Jean Joseph est domicilié rue Levacher, une rue qui croise la rue Saint-Augustin, le doute n’est à mon avis pas permis.
Jean Joseph obtient de ses parents, qui vivent à Béziers, leur consentement pour épouser Philomène, et malgré la mort du petit Henri Joseph, qui n’a vécu qu’à peine 6 semaines, le 12 décembre 1896, Philomène Léonie Gaetane Blanco épouse Jean Joseph Billard, en présence de sa mère, avec qui elle vit (3).
Au début de l’année 1897, le couple traverse la Méditerrannée, à destination de Sète, et va s’installer dans un premier temps à Béziers, puis l’année suivante à Tourouzelle. Jean Joseph s’engage alors dans la gendarmerie et il est muté à Realmont, dans le Tarn (4).
C’est là que le destin va basculer pour Philomène.
A Realmont vient au monde le 16 septembre 1902 un troisième petit garçon, qu’on nomme Paul Joseph. Sur la place de l’église de la petite ville, la famille Paulin tient un café. La fille ainée de la maison, Caroline Paulin, est la jeune épouse d’Albert Léon Vincens, la maman d’une petite Andrée née en 1901. Début février 1903, son plus jeune frère, Yvan Paulin, meurt. Caroline est enceinte d’un second enfant, Yvan Fernand, qui nait le 14 avril 1903, et meurt trois mois plus tard en juillet. Pendant ce temps, le petit Paul Joseph Billard est mort lui aussi, le 27 février 1903. Jean Joseph, mon arrière grand père, le gendarme, passait probablement au café tenu par la famille, au moins les jours de marché. Un gendarme, ça doit se montrer dans le village pour maintenir le calme … Jean Joseph et Caroline ont ils partagé leur tristesse, est ce cela qui les a rapprochés ?
Le 8 octobre 1903, Philomène met au monde une petite Georgette Angèle Billard, dont je perds ensuite la trace. Mais le scandale couve probablement, le gendarme à cheval a une relation adultérine avec une jeune femme mariée de la ville. Il doit démissionner en juin 1905. Il quitte alors Realmont avec Philomène, très enceinte une nouvelle fois. Le couple s’installe à Béziers, avenue des Casernes, où le petit Gaston Michel Billard, mon grand père, vient au monde le 23 juillet 1905.
Mais Jean Joseph, l’époux infidèle, n’est pas parti tout à fait seul. Caroline Paulin a abandonné son mari et sa fille pour suivre son amant à Béziers, où elle réside rue Guillaumon, quand elle met au monde un enfant, Georges, dont Jean Joseph obtiendra la paternité un peu plus tard, contre Albert Vincens.
Jean Joseph pourrait continuer cette double vie, une épouse à son domicile, une maitresse quelques rues plus loin. Mais il choisit une solution plus directe. Il installe Caroline – et son bébé – au domicile conjugal.
En 1907, Philomène se décide alors à demander de l’aide pour pouvoir échapper à cette situation invivable. Son frère, Louis Blanco, ouvrier charpentier à Bourbaki, serait prêt à la recevoir et à subvenir à ses besoins. Je ne sais pas vraiment qui est ce Louis Blanco, qui n’a pas de fiche matricule, et dont je ne trouve pour l’instant pas de mariage.
Mais écoutons comment Philomène raconte la situation dans laquelle elle se trouve, dans une lettre poignante (5). Je sais qu’en généalogie, il faut essayer de ne pas s’impliquer et de ne pas juger, mais la tâche est parfois ardue.
Monsieur le Préfet
J’ai l’honneur de venir respectueusement sollicier de votre bonté la faveur d’obtenir le secours de route par les voies ferrées jusqu’à Marseille ou Port Vendres et par bateau jusqu’à Alger, afin de pouvoir me rendre avec mon fils Gaston Billard, agé de 18 mois, auprès de ma famille résidante à Bourbaki arrondissement d’Alger, avec bagages composés d’une malle et une caisse.
Il vous sera facile monsieur le Préfet, par l’entremise de monsieur le Procureur de la République de Béziers et monsieur le Commissaire de police du canton nord de la même localité, au courant de ma malheureuse position, de corroborer la véracité de ce que j’avance.
C’est en conséquence pour ces motifs que je viens bien humblement vous supplier de m’accorder au plus tôt le secours de route que je sollicite, étant donné surtout que ce qui se passe dans mon ménage n’est plus supportable.
J’ai en mains des lettres de ma famille que je puis vous soumettre, m’engageant vivement à me rendre auprès d’eux.
Dans l’attente qu’il vous plaira accueillir favorablement ma demande et y donner suite, je suis avec respect, monsieur le Préfet, votre très humble et dévouée servante.
Philomène Blanco épouse Joseph Billard, sans profession, née à Tenes (Alger) le 24 février 1869.
Gaston Billard, âgé de 19 mois
Impasse Roumiguier
Avenue de Belfort
maison Escudié
Béziers (Hérault)
A ce courrier est jointe une feuille de renseignements, qui résume la situation dans toute sa tristesse.
Le 15 septembre 1907, Philomène et son fils prennent le chemin de l’Algérie.
Rendez vous prochainement pour la suite de cet article sur Philomène Blanco, la mémé Philomène de mon père.
[Philomène_Blanco_Sosa_25]
Sources et liens
- Actes de catholicité de l’Evêché d’Alger, conservés par les soeurs clarisses de Nimes – Paroisse Saint Léon de Tenes
- Archives Nationales d’Outre-mer – Mariages Tenes 1852 – Acte 5
- Archives Nationales d’Outre-mer – Mariages Alger 1896 – Acte 522
- Archives de l’Aude – Registres matricules Narbonne 1893 – Matricule 501
- Archives de l’Hérault – Cote 6M 864 – Passages gratuits 1907-1908