Aucun thème précis pour cette nouvelle participation du blog au Challenge AZ initié par Sophie Boudarel, de la Gazette des ancêtres, juste une promenade à la rencontre de personnes ou d’anecdotes rencontrées au cours de mes recherches
Mes ancêtres féminines sont mes héroïnes. Toutes, en mettant au monde leurs enfants dans des conditions souvent difficiles, en les aidant à parvenir à l’âge adulte, génération après génération, elles ont contribué à l’existence de mes enfants. Pour la plupart d’entre elles, je ne connais qu’un nom, que quelques dates. Pour certaines, très peu, je les ai côtoyées, et elles occupent une place à part dans mon cœur.
Aujourd’hui, je voudrais vous raconter Marie Angèle Quintard, mon arrière grand-mère maternelle, une femme dont les habitants de Latillé de plus de 60 ans parlent encore. Celle qu’ils appellent la « mère Marie » a enseigné la lecture à toute une ribambelle de petits qui venaient user leurs fonds de culotte à l’école libre du Petit Bourg, à Latillé …. et à moi ….
La vie entière de Marie Angèle s’est déroulée à Latillé, dans le haut du Bourg, puis dans le Petit Bourg, en face de l’église.
L’histoire familiale de Marie Angèle ne commence pas sous les meilleurs auspices.
Louise Angèle Reau, sa mère, vient vivre chez sa soeur ainée, Marie Magdeleine Reau, après le décès de ses parents et le mariage de son frère ainé, à l’automne 1871. Elle est là pour aider la grande sœur, mariée à un journalier du village, François Alexandre Quintard.
Si du côté des Reau, la famille de Louise, personne – à part Marie Madeleine, la soeur ainée – n’habite à proximité, du côté de la famille de François Alexandre une grande partie des frères et soeurs de François Alexandre habite à Latillé, dans le même secteur de la commune. Une rapide analyse du recensement de 1872 permet de les localiser.
Quand Louise Angèle arrive à Latillé, elle est enceinte et met au monde le 2 avril 1872, dans la maison de son beau-frère, un enfant de père inconnu, qu’elle doit confier à l’hospice à Poitiers, où il meurt quelques mois plus tard.
Le 20 avril 1873, Marie Magdeleine, la soeur ainée, décède, dans la petite maison de la Paploterie, à Latillé, où elle vit avec son mari, ses deux fils et sa soeur Louise. Louise reste aider son beau frère, et bientôt, toujours célibataire, elle est à nouveau enceinte …. de son beau-frère.
C’est le 5 décembre 1874 que Marie Angèle vient au monde, de parents non mariés, certes, mais nommés et qui la reconnaissent. Il n’empêche, Marie Angèle Quintard naît naturelle, illégitime.
Son père François a 36 ans, sa mère Louise Angèle a 25 ans. Marie Angèle a deux demi-frères : Pierre Augustin, qu’on appelle Xavier, qui a 9 ans, et François, qui en a 6.
François Alexandre Quintard et Louise Angèle Reau font le nécessaire pour régulariser leur situation. Pour se marier, étant beau-frère et belle-sœur, ils ont besoin d’une dispense civile d’alliance du Président de la République, qui est établie à Versailles le 22 juin 1875. Trois mois plus tard, le 28 septembre 1875, le couple se marie à la mairie de Latillé, et légitime par son mariage la petite Marie Angèle.
La famille déménage souvent, toujours à Latillé. En 1873, ils vivaient à la Paploterie, en 1876, ils sont à la Croix Carrée, puis à partir de 1881 au Bardeau, où les parents vont rester définitivement.
De nouvelles naissances agrandissent régulièrement la famille :
- Augustine Clarice, née le 12 décembre 1877
- Nelly, née le 17 décembre 1881
- Alice, née le 24 octobre 1884
- Marie Alexandrine, le 19 août 1888
- Auguste, le 10 avril 1895
Les enfants ne restent pas longtemps avec les parents. Les temps sont durs, l’argent est rare, il faut quitter jeune le foyer familial pour partir travailler, se louer dès que possible.
Marie Angèle a moins de 16 ans , probablement 12 ou 13 ans seulement, quand elle devient servante dans la maison de Ferdinand Tourneau, marchand de tissus, et de son épouse Louise Barcq.
Les relations entre la famille Tourneau et la famille de François Alexandre Quintard ont débuté quand le petit René Gabriel Tourneau, fils d’Etienne Tourneau et Malvina Goudeau, petit fils de Ferdinand Tourneau et Louise Barcq, a été mis en nourrice à sa naissance, le 6 mars 1886, chez Louise Angèle Reau. Plus tard, en 1891, Augustine Clarice, tout juste âgée de 13 ans, est elle aussi placée comme servante chez Etienne Tourneau et sa femme Malvina Goudeau, les parents du petit René Gabriel, le fils et la belle fille de Ferdinand Tourneau. La famille Tourneau appartient aux « notables » de Latillé, aux marchands qui ont de l’argent. La famille Quintard elle appartient à la grande masse des domestiques, des invisibles.
Marie Angèle est donc servante dans la maison de Ferdinand Tourneau, place du marché à Latillé, probablement à partir de 1888. Au début des années 1890, Ferdinand Tourneau fait construire une belle demeure bourgeoise, sur la route de Chiré-en-Montreuil, à l’entrée du Petit Bourg. C’est là que va désormais habiter Marie Angèle, au Petit Bourg de Latillé, à partir du milieu des années 1890 , et jusqu’à sa mort.
Marie Angèle travaille encore chez Ferdinand Tourneau, désormais veuf, quand elle épouse le 3 octobre 1905, à presque 31 ans, Adrien Guignard, menuisier au Petit Bourg, juste en face de l’église, à quelques centaines de mètres de la maison Tourneau où elle vit et travaille.
Adrien Guignard est le dernier enfant, et seul fils survivant de François Guignard et d’Angelina Peroche, dont la famille paternelle, la lignée des Peroche, est implantée depuis longtemps à Latillé.
Marie Angèle s’installe avec son mari dans la maison du Petit Bourg, en face de l’église, au bout de la venelle. Dans la cour se trouve la « boutique », l’atelier où travaillent Adrien et son père François. Ses beaux parents vivent encore quelque temps avec le couple, avant d’aller s’installer un peu plus loin, à quelques dizaines de mètres, dans la maison que François Guignard a construite.
Le 13 mai 1908, à 33 ans, Marie Angèle met au monde dans sa maison Marie Rose Guignard, son unique enfant.
Le 11 février 1912, François Alexandre Quintard, le père de Marie Angèle, âgé de 72 ans, décède dans sa maison du Bardeau. Ce sont Pierre, le fils ainé et demi-frère de Marie Angèle, et Adrien le gendre, qui vont déclarer le décès.
C’est une vie de travail ordinaire que vit le couple d’Adrien et Marie Angèle, qui peu à peu met un peu d’argent – sous forme de quelques pièces d’or – de côté, pour l’avenir. Mais loin de leur village calme du Poitou, la guerre approche à l’été 1914.
En août 1914, Adrien n’a pas à rejoindre de régiment. Lors du conseil de révision en 1896, il a été exempté pour défaut de taille, et peut donc rester chez lui, avec sa famille.
Mais ce n’est pas le cas pour les beaux frères de Marie Angèle, ni pour son frère, le petit dernier de la fratrie, Auguste.
- Emile Lutreau, le mari d’Augustine, classe 1901, est appelé dès le 12 août 1914 au 32e RI. Il est fait prisonnier le 12 novembre 1914 à Ypres et va passer toute la guerre au camp de Burgsteinfurt, en Allemagne. Il ne regagne son foyer à Richelieu, en Indre & Loire, que le 11 mars 1919.
- Marcel Grateau, le mari d’Alexandrine, classe 1905, est appelé dès le 2 août 1914, à la 9e section de commis et ouvriers militaires. Fin janvier 1917, il est transféré dans une unité combattante, le 114e RI, puis à partir de mi juin, au 156e RI, où il est promu caporal. Il est renvoyé chez lui, à Chasseneuil, le 19 mars 1919.
- Auguste Quintard, le petit frère, appartient à la classe 1915. Incorporé au 32e RI le 17 décembre 1914, il part aux armées le 15 avril 1915. Il passe presque toute la guerre en unités combattantes, et est cité le 5 février 1919, peu avant d’être renvoyé chez lui à Latillé le 16 septembre 1919.
La plupart des cousins germains de Marie Angèle sont plus vieux qu’elle et échappent donc à la participation directe au conflit armé. En revanche leurs fils sont nombreux à partir au front – et à y mourir.
Fils de Jean Pierre Aubourg et de Céline Virginie Monnereau
Petit fils de Marianne Quintard
Frère de Pierre Clement Aubourg
Classe 1903 – Poitiers – Matricule 1199
Soldat au 125e régiment d’infanterie
Tué à l’ennemi le 27 octobre 1914 à Saint-Julien – Belgique
Monument aux Morts de Latillé
Livre d’Or de Latillé
Croix de guerre avec étoile de bronze
Né le 15 août 1890 à Latillé
Fils de Jean Pierre Aubourg et de Céline Virginie Monnereau
Petit fils de Marianne Quintard
Frère de Jean André AUBOURG
Classe 1910 – Poitiers – matricule 1071
Soldat de seconde classe au 68e régiment d’infanterie
Tué à l’ennemi le 16 avril 1918 à Rouvrel – Somme
Monument aux Morts de Latillé
Livre d’Or de Latillé
Deux citations à l’ordre du régiment, Croix de guerre
Né le 6 avril 1895 à Chiré-en-Montreuil
Fils d’Alexis Quintard et de Magdeleine Mureau
Petit fils de René Alexis Quintard
Cousin de Marie Angèle Quintard
Classe 1915 – Poitiers – Matricule 686
Soldat au 43e regiment d’infanterie coloniale
Tué à l’ennemi le 16 avril 1917 à Vauxaillon – Aisne
Croix de guerre avec étoile de bronze
Monument aux Morts de Chiré-en-Montreuil
Livre d’Or de Chiré-en-Montreuil
Né le 1er octobre 1881 à Latillé
Fils de Jacques Quintard et de Marie Raymond
Petit fils de Jean François Quintard
Cousin de Marie Angèle Quintard
Classe 1901 – Poitiers – Matricule 1247
Soldat au 268e regiment d’infanterie
Tué à l’ennemi le 22 avril 1916 à la cote 304 à Esnes-en-Argonne – Meuse
Croix de guerre avec étoile de bronze
Monument aux Morts de Latillé
Livre d’Or de Latillé
Né le 8 septembre 1893 à Latillé
Fils de Jacques Ambroise Quintard et de Louise Delphine Chartier
Arrière petit fils de Radegonde Quintard
Cousin issu de germain de Marie Angèle Quintard
Classe 1913 – Chatellerault – Matricule 775
Soldat au 47e régiment d’artillerie
Mort de maladie aggravée en service le 4 août 1919 à Dijon ( Côte d’or)
N’a pas obtenu la mention Mort pour la France
Né le 31 mars 1885 à Latillé
Fils de Delphin Chartier et de Marie Comte
Petit fils de Radegonde QUINTARD
Classe 1905 – Poitiers – Matricule 1013
Soldat au 68e régiment d’infanterie
Tué à l’ennemi le 25 mai 1915 à Angres à l’ouvrage des Cornailles – Pas de Calais
Monument aux Morts de Chiré-en-Montreuil
Livre d’Or de Chiré-en-Montreuil
Adrien Guignard, l’époux de Marie Angèle, appartient à la classe 1896. Lors du conseil de révision, il a été exempté pour défaut de taille et déformation du pied gauche. Il ne mesure en effet que 1,52 mètre.
En raison des pertes terribles du mois d’août 1914, il est décidé – par le décret du 9 septembre 1914 – que les hommes antérieurement exemptés doivent repasser le conseil de révision avec les jeunes gens de la classe 1915.
11° Décret du 9 septembre 1914, convoquant devant les conseils de révision réunis pour examiner le contingent de la classe 1915 les hommes réformés ou exemptés des classes antérieures;
Cette fois ci, Adrien est jugé apte, et il est affecté à l’infanterie – lui qui avait été réformé pour une infirmité du pied entre autres – dans le 39e régiment d’infanterie territoriale, basé à Blois. Le 19 mars 1915, il rejoint le dépôt et il est affecté à la 15e compagnie.
Adrien et ses compagnons partent vers l’est de la France. Régulièrement, il écrit à sa femme, lui raconte sa vie quotidienne, les villages traversés, lui envoie des cartes postales. Le 13 mai, après une « forte marche », il est pris d’un accès de fièvre. Il a 40°. On le conduit à l’infirmerie. C’est lui qui prévient sa femme, il a très mal à la tête. Marie au village s’inquiète. Ce n’est pas le genre d’Adrien de dire qu’il est malade. Elle décide d’aller voir là-bas, à Tonnerre, ce qui se passe, comment va Adrien. Mais la famille n’a pas l’argent qui pourrait servir à payer le voyage. Alors Marie va voir le maire, pour faire constater son indigence, pour pouvoir gratuitement prendre le train pour aller à Tonnerre.
Marie laisse sa fille aux bons soins de ses beaux parents, et quitte Latillé le 15, en prenant le train à la gare d’Ayron, pour rejoindre Poitiers, puis Paris Austerlitz, prend ensuite la ligne du PLM – Paris Lyon Marseille – pour aller à l’hôpital de Tonnerre. Elle ne peut pas rester longtemps, elle veut juste revoir Adrien, être sûre qu’on s’occupe bien de lui, que tout va bien se passer. Elle rentre à Latillé le 18 mai 1915.
Le 21 mai 1915, Adrien meurt, d’une méningite cérébro-spinale. Ou du moins, c’est ainsi qu’on a qualifié les causes de son décès.
Marie reçoit deux courriers de l’hôpital. Le premier pour lui raconter les conditions du décès de son époux, le second pour lui retourner ses effets personnels.
Toute sa vie, Marie portera désormais au cou un médaillon avec le portrait de son époux défunt, un de mes trésors familiaux, rangé précieusement avec la médaille de baptême de ma grand-mère, les alliances de mes parents, les plaques d’identité de mon papa aviateur. Trois générations qui tiennent au creux d’une main.
Marie est désormais veuve, sans ressources, avec une petite fille de 7 ans à élever. Elle se loue à la journée, comme tant d’autres journaliers et journalières. La solidarité familiale, celle de la famille d’Adrien – ses beaux-parents, François Guignard et Angelina Peroche, sa belle-soeur Marie Guignard – va jouer, bien sûr. Mais cela ne peut pas suffire.
Fin février 1917, Louise Angèle Reau décède au Petit Bourg, où elle s’est installée après la mort de son époux en 1912. Les deuils se succèdent dans la vie de Marie, dans le Petit Bourg, dans le village tout entier. On ne sait plus si la guerre pourra finir un jour, on vit juste un jour après l’autre.
Le 27 juillet 1917 est promulguée une loi qui accorde aux orphelins de guerre le statut de pupille de la nation. Un jugement d’adoption doit être prononcé par le tribunal civil compétent du lieu de vie de l’enfant, lui permettant ainsi de bénéficier jusqu’à sa majorité de la tutelle, du soutien financier et de la protection sociale de l’état. Cette loi ne sera mise en application que le 27 février 1918.
Le 7 novembre 1918, Marie Rose, 10 ans et demi, devient pupille de la Nation. Sa mère Marie Angèle peut l’envoyer en pension dans une des écoles privées de Poitiers, pour y recevoir une bonne éducation – prise en charge par l’état. Sa fille va devenir couturière.
Courant 1926, Marie Rose, invitée à un mariage, rencontre Achille Reau, qui tombe sous le charme de cette jeune fille de 18 ans. Quand il en parle à sa mère, Clémentine Pelletier, elle lui explique que Marie Rose est sa cousine issue de germain.
Qu’à cela ne tienne, la parenté n’est pas si proche, et les jeunes gens ne se connaissaient pas auparavant.
Le 15 novembre 1926, Marie Angèle assiste donc au mariage de sa fille unique, Marie Rose, en l’église de Latillé, 21 ans après son propre mariage. Sa fille épouse un militaire de carrière, et ne reviendra plus à Latillé que pour les vacances, ou plus tard, dans longtemps, vers 1960, quand il faudra quitter l’Algérie.
A Latillé, c’est au tour des beaux parents de Marie Angèle de quitter ce monde. Angelina Peroche décède le 10 mai 1927, à l’âge de 82 ans. Un an plus tard, c’est François Guignard, son mari, qui meurt, lui aussi à l’âge de 82 ans.
Mais à Saumur, où vivent Marie Rose et son époux Achille, au début de l’année 1928 est née une petite fille, Françoise. 14 mois plus tard, une seconde fille, Monique, agrandit la famille.
Marie Angèle, qui mis à part son rapide et triste voyage à Tonnerre avait peu quitté sa région natale, va maintenant régulièrement se rendre à Saumur, puis Paris où Achille est muté. Et la famille Reau descend à Latillé régulièrement. Marie Angèle voit ses trois petites filles grandir. Trois, parce que Michelle, ma maman, est arrivée dans la famille le 3 avril 1934, à Paris.
En 1941, Achille est affecté à l’Ecole de Cavalerie d’Alger. Il quitte la France via Port Vendres. Marie Rose et ses trois filles restent quelques mois à Latillé – en zone occupée – chez Marie Angèle avant de le rejoindre de l’autre côté de la Méditerrannée. La mère et la fille vont continuer à s’écrire, comme elles peuvent, en utilisant des cartes préremplies, sans enveloppe, de correspondance de guerre.
Après le débarquement américain en Algérie, le 8 novembre 1942, les relations postales officielles avec la France métropolitaine, désormais totalement occupée, sont encore plus difficiles.
Certains messages – tellement précieux pour Marie Angèle – vont voyager par des chemins improbables, comme ces photos, de Marie Rose et de son fils, seul petit fils de Marie Angèle né fin octobre 1942, confiées à Alger au général George, qui ont traversé la Méditerrannée à bord du sous-marin Casabianca en février 1943 et ont été apportées à Latillé par le lieutenant Caillot, en mission secrète.
A Latillé, Marie Angèle travaille désormais – depuis quand exactement je l’ignore – à l’école libre, au coin de la rue au Petit Bourg, où elle s’occupe des petits, à qui patiemment elle enseigne la lecture.
La mère Marie, dont le souvenir s’efface désormais de la mémoire collective de Latillé, était connue de tous dans le village quand j’étais petite fille.
Après la guerre, la vie reprend son cours. Les voyages sont à nouveau possibles, et les petits enfants de Marie Angèle viennent parfois l’été lui rendre visite, faire la connaissance ou renouer avec leurs cousins paternels, dans les fermes à Ayron ou Chalandray.
Fin juin 1948, Achille Reau décède subitement à Alger, il n’a que 44 ans. Pourtant Marie Rose choisit de rester en Algérie avec ses enfants. Ce n’est qu’en 1960 que Marie Rose et son fils vont revenir en métropole. Marie Rose s’installera d’abord à Chauvigny, puis à Latillé, dans la maison construite par son grand père François Guignard et dont sa tante paternelle Marie Guignard lui a fait donation. C’est dans cette maison que mes parents ont passé leur retraite, et c’est à mon tour d’en avoir la charge, pour qu’elle reste encore un peu dans la famille.
En 1959, pendant plusieurs mois, il y a plus d’animation que de coutume dans la maison de Marie Angèle, au bout de la venelle. Sa petite fille Michelle vient s’installer à Latillé, avec ses deux enfants, Brigitte et Michel, pendant que son époux Gaston fait une formation à l’école de gendarmerie de Chaumont.
La famille s’installe dans la « boutique », l’ancien atelier de menuiserie d’Adrien. Marie Angèle fête ainsi les anniversaires de ses arrières petits enfants, et incidemment m’apprend à lire, assise près d’elle dans la cour. Est ce à cause de ces mois partagés avec elle, de cette tendresse qu’elle nous prodiguait, qu’elle tient toujours aujourd’hui une telle place dans mon cœur ?
Dans ma mémoire, l’été de mes 10 ans, le mois d’août 1966, reste à jamais gravé. Cette année là, pour le 14 août, pour la seule fois de la vie de mon arrière grand-mère, Marie Angèle et sa fille Marie Rose avaient réuni autour d’elles les quatre enfants de Marie Rose, et toute leur progéniture. L’opération était complexe, parce que Françoise, la fille aînée, était mariée et vivait en Corse avec son époux Jacques et ses trois enfants. Oui, il était difficile alors de réunir facilement toute une famille. Cet été là, nous avons joué dans le pré, en bas de la maison, nous avons fait connaissance avec les cousins corses, que je ne connaissais pas. Et les adultes ont pris quelques photos.
Un été de bonheur avant la terrible année 1968 et la disparition en mai 1968 de Françoise.
A l’hiver 1968, Marie Angèle, qui a 94 ans maintenant, petite silhouette frêle et voûtée, vit encore seule chez elle, dans sa maison mal aisée, sans confort moderne, où on accède dans la cuisine et pièce de vie par trois marches, où la cour n’est pas plane, où le chemin qui descend au jardin et à la cabane au fond du jardin est en pente, semé de cailloux plus ou moins gros, qui roulent sous le sabot ou la chaussure, où la chambre à coucher à l’étage n’est accessible que par un escalier qui tient davantage de l’échelle tant il est raide. Un jour, Marie Angèle tombe, se fracture le col du fémur. Cette chute lui est fatale, et elle meurt, le 25 décembre 1968, à Latillé.
Marie Angèle repose dans le cimetière de Latillé avec sa soeur Alexandrine, morte à Paris en 1926, et son mari Adrien, dont mon oncle a fait rapatrier la dépouille, inhumée à Tonnerre en mai 1915.
A l’été 2016, j’avais commencé une enquête généalogique pour retrouver les descendantes de mon ancêtre la plus éloignée dans ma branche matrilinéaire, celle qui m’a transmis de mère en fille mon ADN mitochondrial, identifié comme appartenant à l’haplogroupe H5a2. J’ai improprement nommé cette descendance les Filles d’Helena.
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- Le clan d’Helena
- Les filles d’Helena 1 – Le cadre de mes recherches
- Les filles d’Helena 2 – Génération 12 – Les cousines Imbert
- Les filles d’Helena 3 – Le temps du doute et des hypothèses
- Les filles d’Helena 4 – Les soeurs Laventurier
- Les filles d’Helena 5 – Jeanne Baudet
- Les filles d’Helena 6 – Marie Jeanne Baudet
- Les filles d’Helena 7 – L comme Louise
Marie Angèle Quintard est une de mes filles d’Helena, à la génération 5.