S comme Sulpice

Dans le testament de Geneviève Crelot j’ai fait la connaissance de la famille de son homme de confiance, François de Golle, et ma curiosité m’a poussé à en savoir plus sur son fils, Sulpice.

 

Minutier Central des Notaires - MC/ET/XX/545 - Testament de Geneviève Crelot le 22/09/1730
Minutier Central des Notaires – MC/ET/XX/545 – Testament de Geneviève Crelot le 22/09/1730
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23 Donne et lègue à François de Golle homme d’affaires de ladite dame
24 testatrice et a marie offroy sa femme femme de chambre de
24 ladite dame testatrice et au survivant deux cinq cent livres de
25 rente en pension viagère de laquelle après le deceds du
26 dernier mourant d’eux quatre cent livres demeureront [.]
27 et les cent livres restants seront payé par chacune année
28 au frere Sulpice leur fils religieux clerc profex de saint
29 augustin déchaussés establis rue des victoires [.]
30 auquel elle en fait don et legue pour par luy en jouir sa
31 vie durant pour subvenir à ses besoins, conformément aux
32 règles de son ordre et sous le bon plaisir de ses supérieurs
33 ladite dame etant bien faschee que la [.] de sa fortune ne luy
34 permette pas de leur donner d autres marques de son affection
35 le sieur de Golle et sa femme l’ayant toujours servie avec beaucoup
36 de fidélité et de zèle; priant ledit frère Sulpice lorsqu’il
37 sera prestre de se ressouvenir d’elle dans le saint sacrifice de
38 la messe; donne et legue a ladite femme de Golle et a
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François de Golle et son épouse Marie ont un fils, Sulpice, à qui une partie de la rente de ses parents reviendra pour assurer ses besoins après leur décès. Sulpice est « religieux clerc profex de saint augustin déchaussés establis rue des victoires », c’est à dire qu’il a prononcé ses voeux, et appartient en 1730 à la congrégation des Augustins déchaussés de France, dont le couvent se trouve rue des Victoires, sur la paroisse Saint Eustache.

Gallica - Titre : Le Plan de Paris, ses faubourgs et ses environs / par Guillaume de L'Isle - Edition 1730
Gallica – Titre : Le Plan de Paris, ses faubourgs et ses environs / par Guillaume de L’Isle – Edition 1730

Le couvent n’existe plus, mais l’actuelle église Notre Dame des victoires est l’ancienne chapelle du couvent. A l’origine, la congrégation des Augustins déchaussés est un ordre mendiant, et ses moines marchent pied nus, donc déchaussés. Sulpice de Golle est donc un moine qui a prononcé ses voeux avant décembre 1730, et il vit dans ce couvent, à quelques pas de ses parents rue de Cléry. Visiblement, il se destine à la prêtrise, puisque Geneviève Crelot lui demande « lorsqu’il  sera prestre de se ressouvenir d’elle dans le saint sacrifice de la messe« . Pour être prêtre, il va devoir recevoir le sacrement de l’Ordre sacerdotal, qui lui permettra de célébrer le sacrifice de la messe. En tant que membre d’une congrégation religieuse, c’est à dire appartenant au clergé régulier – le clergé des monastères et des couvents – il n’est pas destiné à servir dans une paroisse sous l’autorité d’un évêque, mais à servir au sein de sa congrégation, comme aumônier.

Je ne connais pas le déroulement de la carrière ecclésiastique de Frère Sulpice … enfin si, j’en connais une partie.

Le 22 mars 1759, le Révérend Père Sulpice de Golle embarque en tant qu’aumônier sur le Duc de Chartres, vaisseau de 900 tonneaux appartenant à la Compagnie des Indes, armé de 24 canons et comptant 173 hommes à son bord. Le navire part de Lorient à destination des Indes. Il n’y a pas de passager payant sur le navire. Sulpice de Golle y est aumônier, pour un salaire de 40 livres par mois. Est ce son premier embarquement comme aumônier sur un navire, je l’ignore, c’est en tout cas le premier que je trouve dans les indexations des documents de la Compagnie des Indes mis en ligne sur le site Mémoire des Hommes.

Mémoire des Hommes - Compagnie des Indes
Mémoire des Hommes – Compagnie des Indes – Role d’équipage du « Duc de Chartres »

En 1759, la guerre avec l’Angleterre, appelée plus tard par les historiens la Guerre de Sept ans, bat son plein sur mer, et la France n’a clairement pas l’avantage. Le 27 mars 1759, cinq jours après avoir quitté Lorient, le navire est pris par les Anglais au large de Lisbonne. L’équipage se retrouve probablement en prison en Angleterre, peut être dans les sinistres prisons des pontons de Portsmouth.

Le 10 février 1763, la France et l’Angleterre signent un traité de paix, le traité de Paris, et les prisonniers français détenus en Angleterre reviennent en France.

Le 23 avril 1763, l’Ajax appareille de Lorient, à destination du Brésil, des Mascareignes, de l’Ascension et retour à Lorient. Regardons une carte des routes navales de la Compagnie des Indes pour mieux comprendre ce trajet qui semble surprenant.

Philippe Haudrère, « Heurs et malheurs des voyages maritimes sur la route des Indes orientales au XVIIIe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest [En ligne], 121-3 | 2014, mis en ligne le 15 novembre 2016, consulté le 27 avril 2016. URL : http://abpo.revues.org/2853 ; DOI : 10.4000/abpo.2853
Philippe Haudrère, « Heurs et malheurs des voyages maritimes sur la route des Indes orientales au XVIIIe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest [En ligne], 121-3 | 2014, mis en ligne le 15 novembre 2016, consulté le 27 avril 2016. URL : http://abpo.revues.org/2853 ; DOI : 10.4000/abpo.2853
Sulpice de Golle embarque en sa qualité d’aumônier sur l’Ajax le 23 avril 1763. A partir du rôle d’équipage de l’Ajax, on lit que le navire a atteint l’archipel des Mascareignes en janvier 1764, et qu’il reste dans l’archipel jusqu’en septembre 1764, quand  il prend le chemin du retour. Le navire revient le 6 mai 1765 à Lorient.

Sulpice de Golle, lui, a débarqué à l’île de France, notre actuelle ile Maurice, le 28 septembre 1764, parce qu’il est malade.

Mémoire des Hommes - Rôle de l'Ajax - 1763-1765
Mémoire des Hommes – Rôle de l’Ajax – 1763-1765

 

Bonne - Isle de France (Detail).jpg
Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1732009

Le 31 octobre 1764, un mois après avoir débarqué de l’Ajax, Sulpice de Gille embarque sur le Chameau, en qualité d’aumônier.

Mémoire des Hommes
Mémoire des Hommes

Le Chameau a quitté Lorient le 22 avril 1764 à destination de Pondichéry, un des comptoirs français de la Compagnie des Indes. L’aumonier titulaire, le père Gérarty, était malade lors du départ de Lorient et n’a pas pu embarquer. Plusieurs missionnaires étaient à bord du navire et ont à différentes périodes occupé la fonction d’aumonier du navire. L’aumônier joue un rôle important sur ces navires qui partent pour de longs mois de navigation incertaine. Le 31 octobre 1764, donc, le père Sulpice embarque, il remplace le père Jean François Gleyo, missionnaire, qui reste à l’ile de France. Mi février 1765, le Chameau arrive à Karikal dont il repart le 1er mai 1765. Le 8 mai 1765, le navire arrive à Pondichéry.

Magasins de la Compagnie des Indes à Pondichéry.jpg
Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1579214

Le rôle d’équipage du Chameau nous apprend que le père Sulpice débarque à Pondichéry le 19 octobre 1765. Pourquoi ne revient il pas avec le navire ? Il a une soixantaine d’années, il a probablement passé 3 ans dans les geôles anglaises, et le climat de Pondichéry à l’époque n’est pas forcément gage de bonne santé et de vieillesse longue et paisible … Il est probable qu’il va travailler quelques mois en tant que missionnaire.

Le 25 août 1766, le Révérent Père Sulpice de Saint Clotilde de Golle, religieux augustin, aumônier, s’éteint à l’âge de 60 ans et est inhumé dans la paroisse Notre Dame des Anges de Pondichéry.

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Son acte de décès, retrouvé dans les registres en ligne de Pondichéry, sur le site des Archives Nationales d’Outre Mer, nous précise qu’il est mort le 24 août 1766. Le Chameau, lui était revenu à Lorient chargé de précieuses marchandises le 5 juin 1766.

ANOM - Pondichéry 1766
ANOM – Pondichéry 1766

 

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