C comme Crelot




Aucun thème précis pour cette nouvelle participation du blog au Challenge AZ initié par Sophie Boudarel, de la Gazette des ancêtres, juste une promenade à la rencontre de personnes ou d’anecdotes rencontrées au cours de mes recherches


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Cette biographie succinte a été réalisée principalement grâce à des actes notariés retrouvés sans aucun ordre chronologique dans le Minutier Central des Notaires Parisiens. Même si des éléments continuent à me faire défaut, les actes retrouvés et mis bout à bout reconstituent assez clairement les grandes étapes de la longue vie d’Anne Crelot, génération 12 des ancêtres de mes enfants, par leur branche paternelle.

Aperçu généalogique
Branche Karcher
Nom: Anne Crelot
Parents: Jacques Crelot et Barbe Moreau
Epoux: Mathurin Goret
Lien de parenté: Aïeule de mon mari à la 11ème génération
  1. Anne Crelot
  2. Anne Angélique Goret
  3. Marie Thérèse Lebois Duclos et Catherine Lebois Duclos
  4. Thérèse Devienne et Marie Angélique Landes
  5. Françoise Berard et Denis Bonaventure Pelletier de Chambure
  6. Alexandre Pelletier de Chambure
  7. Louise Arnoldine Pelletier de Chambure
  8. Marie Jeanne Jung
  9. Daniel Karcher
  10. Christiane Karcher
  11. mon mari

Mariée selon la coutume de Paris

Anne Crelot nait vers 1643, probablement à Nancy, du légitime mariage de Jacques Crelot, chirurgien ordinaire du roi, lieutenant des maitres chirurgiens de Paris, qui a épousé à Nancy quelques dix ans plus tôt, le 26 novembre 1633, la demoiselle Barbe Moreau, en l’église St Epvre, paroisse de la jeune fille.

Jacques Crelot est originaire de Paris. Quand l’administration royale française arrive en Lorraine, un lieutenant du Premier Chirurgien du Roy est imposé à la communauté des chirurgiens nancéens et veille à son « bon fonctionnement ». Jacques Crelot/Crellot est le premier d’entre eux. Arrivé en 1633 avec l’occupant français, il se marie rapidement et ouvre une boutique de chirurgie, en face du palais ducal. Il va y exercer la chirurgie pendant vingt ans, puis retourner vers 1655 à Paris, où il s’installe rue Coquillère, paroisse Saint Eustache, avec sa famille : son épouse Barbe, son fils Charles, ses filles Anne et Geneviève, les trois enfants survivants après 1670 que j’ai pour l’instant identifiés.

Le 22 avril 1675, Anne Crelot et Mathurin Goret signent leur contrat de mariage devant Pierre de Beaufort, notaire à Paris, dont les minutes ne sont versées qu’à partir de 1676 aux Archives Nationales. Qu’y a t’il dans ce contrat, qui y assiste, pour l’instant cela reste un mystère. Mathurin Goret est ingénieur hydraulique. Son père, Claude Goret, était professeur de mathématiques et ingénieur du roi, lui aussi, et bourgeois de Paris. Quant à la mère de Mathurin Goret, Geneviève Delafontaine, elle appartient semble t’il à une famille de marchands apothicaires parisiens. Tous ces gens, bourgeois de Paris à l’époque de Louis XIV, habitent dans le cœur de Paris, paroisse Saint-Eustache, rue Saint Honoré, rue Saint Sauveur.

Anne met au monde plusieurs enfants, combien exactement je l’ignore. Je connais au couple quatre enfants, devenus adultes, et mentionnés dans divers actes notariés :

  • Anne Angélique, née vers 1680, qui épousera en 1707 François Lebois Duclos, ancêtre à la génération 11 de mes enfants, la seule des quatre enfants à avoir eu semble t’il une postérité
  • Jean Mathurin, né autour de 1680, qui prendra le titre de sieur de Fontenay, officier d’infanterie, marié en 1713, puis en 1743 après un premier veuvage
  • Marie Geneviève, née autour de 1685, qui épouse en 1705 Jean Isarn de Montclair, capitaine de vaisseau, de 30 ans son ainé, puis une fois veuve, Nicolas Baco de la Gastine
  • Charlotte, très clairement la petite dernière, que sa tante Geneviève nomme « Lolotte » dans son testament, épouse de Michel Regnault, bourgeois de Paris

En mars 1694 Barbe Moreau, la mère d’Anne, décède rue du Jour, à quelques pas de l’église Saint Eustache, la paroisse de toute cette branche familiale. Barbe est très âgée, probablement environ 80 ans, elle est veuve de Jacques Crelot dont j’ignore la date de décès. Elle est inhumée le jeudi 25 mars 1694 au cimetière des Saints Innocents, après une messe à l’église Saint Eustache

Anne s’est mariée selon la coutume de Paris, ce qui signifie que les conjoints sont communs en biens meubles et conquêts immeubles du jour des épousailles.

Mais la Coutume de Paris a prévu que l’épouse pouvait vouloir sortir de cette communauté de biens. Même si par contrat l’épouse n’apporte qu’une partie de ses biens dans la communauté, et reste de principe en possession de ses propres, c’est à dire des biens lui appartenant non entrés dans la communauté – toutes choses toujours très précisément décrites dans les contrats de mariage de « mes » parisiens – le mari a des droits conséquents sur les biens de son épouse. Certes il ne peut pas les vendre – sans son accord du moins – et s’il les vend il doit « remployer » l’argent à une acquisition de même nature. Mais il peut les louer, sans son autorisation, et surtout aucun des actes que l’épouse peut faire concernant ses biens propres n’est valable sans l’autorisation écrite de son mari.

Le 24 mars 1696, soit après 21 ans de mariage, Anne demande et obtient la séparation de biens d’avec son mari Mathurin Goret. Pourquoi cette demande ? Est ce le moment où Mathurin, ingénieur hydraulique du roi, quitte Paris pour aller enseigner à Toulon ? Ou bien Anne et Geneviève, qui sont semble t’ils les deux seuls enfants survivants de Jacques Crelot et Barbe Moreau, doivent elles se partager l’héritage de leurs parents et Anne, qui a une quarantaine d’années, souhaite désormais avoir la main mise sur ses biens ? Il y a 2 ans exactement que leur mère Barbe Moreau est morte, faut il vraiment aussi longtemps pour partager une succession ?

La séparation de biens va aussi permettre à Anne d’ester en justice …

Le 28 mai 1700, Anne, séparée de biens de son mari, achète une maison, rue du Croissant, paroisse St Eustache, pour la somme de 5500 livres, payés comptant. Cette maison va rester plus de 50 ans dans le patrimoine familial.

Plan de Turgot sur Gallica – Planche 18

Pour l’instant, l’emplacement exact de la maison n’a pas encore été identifié. Est elle encore présente en 2019 dans la rue du Croissant ? Un peu plus de 200 ans plus tard, à l’angle de cette rue du Croissant et de la rue Montmartre, c’est là, à la terrasse du Café du Croissant, qu’avait en son temps fréquenté Balzac, que Jean Jaurès est assassiné le 31 juillet 1914. Dans cette même rue du Croissant, probablement sur le trottoir opposé de celui où se situe la maison acquise par Anne Crelot, se trouvent la chapelle et le cimetière Saint Joseph, dépendant de la paroisse Saint Eustache. C’est dans ce cimetière que Molière fut inhumé en 1673, et La Fontaine en 1695. Anne Crelot a des voisins calmes, mais célèbres.

La maison est grande, Anne y vit avec ses trois filles, qui ne sont pas encore mariées : Geneviève, Angélique et Charlotte. Son fils, Jean Mathurin, âgé d’une vingtaine d’années, vit il aussi avec sa mère ou sert il déjà dans les armées du roi?

L’héritage d’Ange Lolly

La maison est assez grande pour qu’Ange Auguste Lolly vive également rue du Croissant, où Anne l’héberge.


Ange Lolly, connu sous le nom de Docteur de la Come-
die Italienne, estant venu en France avec sa femme, prit
des Lettres de Naturalité; de son mariage il eut trois enfans,
qui se retirèrent dans les Pays Etrangers.
Après la mort de sa femme, il se mit en pension chez la
Dame de …. qui estoit séparée de biens d’avec son mary.
Elle prit tous les soins imaginables de son Pensionnaire,
que son grand âge avoit rendu tres infirme.
Avant que de mourir Ange Lolly fait un Testament, par
lequel il institue cette Dame sa légataire universelle.
Pierre Lolly frère du deffunt estant le seul en France qui
pust recueillir sa succession, la Légataire obtint contre luy
une Sentence du Chastelet, qui luy fit délivrance de son legs,
en consequence elle se mit en possession des biens du Testa-
teur.

L’épouse d’Ange Lolly est morte en 1693. Il est probable qu’Ange Lolly a commencé à être en pension chez Anne Crelot dès cette période, dans la maison – inconnue pour l’instant – où elle habitait à l’époque.

Le 12 juin 1700, Ange Lolly fait son testament et institue Anne Crelot sa légataire universelle. Il décède rue du Croissant en 1702. Il a semble t’il tout réglé avant son décès. Mais c’est sans compter sur son frère, Pierre Lolly, qui va faire un procès à la dame Crelot, l’accusant de mauvaises moeurs.

Si Anne Crelot a eu des relations adultérines avec Ange Lolly, elle n’est pas digne de recevoir cet héritage. Pour l’avocat général Portail, s’il y a adultère ou libertinage, seul le mari peut s’en plaindre. Bon, une fois qu’on a parlé de la forme, des écrits sont produits : lettres des enfants de Lolly qui remercient Anne Crelot des soins qu’elle a apportés à leur père, certificats des prêtres de sa paroisse, Saint Eustache, établissant sa bonne conduite et la régularité de ses moeurs. Elle a été plusieurs fois dame de la charité, on lui a confié le soin des pauvres. Il est peu probable pour son entourage qu’Anne Crelot se soit livrée à des actes de libertinage ….

Extrait de mon article L comme Légataire

Pendant plus de cinq ans, Anne Crelot et sa famille vont être entrainés dans une affaire judiciaire qui va mettre à mal sa réputation. Le 26 mars 1706, la Grand Chambre du Parlement à Paris publie un arrêt qui met fin à cette tourmente judiciaire. L’honneur d’Anne Crelot n’est pas lavé, l’arrêt dit juste que seul le mari est habilité à se plaindre de l’éventuelle conduite de sa femme et qu’en conséquence cette conduite – que pourtant personne n’a pu prouver – ne peut remettre en cause le legs reçu.

Héritière, certes, mais pas vraiment réhabilitée …

Lire la seconde partie de l’article ici.

 

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