Le testament de René Reil et Catherine Pison



Lors de recherches que je faisais sur la famille Reil à Parthenay au XVIIe siècle, j’ai consulté le site d’Alberic Verdon et j’y ai trouvé mention d’un testament que René Reil et son épouse Catherine Pison, mes lointains ancêtres, avaient passé le 2 juillet 1686 à Parthenay.

[Rene_Reil_Sosa_7484 ]
[Catherine_Pison_Sosa_7485 ]

J’ai obtenu une copie de cet acte auprès des archives départementales des Deux-Sèvres et je l’ai transcrit, avec le concours de Sophie, du blog Charrin14-18. Vous pouvez télécharger l’acte et sa transcription si vous voulez vous amuser à faire un peu de paléographie – et éventuellement vérifier et compléter notre transcription.

Avant de décortiquer cet acte, voici un peu de contexte sur René Reil et Catherine Pison.

René Reil et Catherine Pison se marient au printemps 1647 à Parthenay. Je n’ai pour l’instant trouvé que leur contrat de mariage, passé chez maître Bourceau, notaire à Parthenay, le 8 mai 1647.

1 Sur le traité et prolocution de mariage a estre faict
2 et accomply de sire Rene Reil Marchant tondeur de
3 draps fils de deffuinctz sieur René Reil et de Mathurine Rouil,
4 vivans conioincts avecq honneste fille Catherine
5 Pison fille de sire Jean Pison marchant drappier
6 et de Catherine dudoict ses pere et mere, entre
7 lesquelles parties ont este faictes et font les
8 promesses de mariage quy ensuivent, …

Les parents de l’époux sont tous deux décédés au moment de l’acte. René Reil fils est marchand tondeur de draps.

Le tondeur de draps est un métier du textile, consistant à lisser et lustrer les draps et les étoffes pour les rendre plus lisses et moins épais. Voici comment Albéric Verdon parle de l’industrie de l’étoffe – et des draps gris de Parthenay.

La terre de Gâtine était propice à l’élevage des moutons. La laine était utilisée pour confectionner des étoffes et l’humidité persistante des maisons de la vau Saint-Jacques convenait parfaitement à cette industrie. Au Moyen-Âge les draps produits étaient dits gris de Parthenay. Ils sont mentionnés sous ce nom en 1422 parmi les marchandises vendues à Poitiers. […] Au XVIIIe , l’activité principale concerne une étoffe en laine de moutons de pays, cardée, composée de 18 portées et demi de 32 fils de chaine. […] Au XVIIe, une partie de la production est embarquée à La Rochelle à destination du Portugal et du Canada. La perte de ce pays par la France met un terme au développement du tissage à Parthenay.

René Reil est donc un des maillons de l’industrie du tissage, plutôt prospère à Parthenay quand il se marie en 1647. Il épouse d’ailleurs la fille d’un marchand drapier, comme c’est assez habituel en ces temps où le mariage est avant tout une affaire d’alliances patrimoniales.

Toute sa vie, le couple, puis la famille, habite paroisse Saint-Jean, dans le centre de la ville. Très tôt après les noces, Catherine Pison met au monde des enfants, de façon très régulière.

  • René, baptisé le 23 janvier 1649
  • Vincent, né le 7 mai 1651
  • Marie, baptisée le 25 mars 1653
  • Jean Pierre, baptisé le 24 janvier 1655
  • Marie, née le 5 avril 1657
  • Jacques, baptisé le 16 septembre 1659
  • Marie, baptisée le 25 août 1661
  • Jean, mon ancêtre, baptisé le 23 mars 1664
  • Catherine, née le 24 mai 1666
  • François, né le 22 juillet 1668
  • Anthoine, né vers 1674

René, Vincent, une des trois Marie, Jean et François ont une descendance. Pour les autres, je n’ai pas encore trouvé d’élément me permettant de le savoir.

Au matin du 2 juillet 1686, René Reil le père et son épouse Catherine Pison se rendent ensemble à l’étude de maitre Bourceau pour y faire un testament commun. Ils ne sont ni l’un ni l’autre à l’article de la mort.

Certains de leurs enfants se sont déjà mariés – et ont probablement fait faire des contrats de mariage que je n’ai pas encore trouvés

  • René fils a épousé le 29 juillet 1671 Françoise Clisson, ils ont eu deux enfants, Catherine en 1672 et Jacques en 1675. Il est d’ailleurs probable qu’en 1686 René soit déjà mort, mais le registre de la paroisse de Saint-Jean entre 1675 et 1690 est manquant.
  • Vincent a épousé le 17 janvier 1672 Renée – parfois appelée Jeanne – Morin, et ils ont au moins deux enfants nés avant 1686 : René en 1673, Jeanne en 1674 – et peut-être deux autres dont je n’ai pas la date de naissance : Marie et Renée.

Pour quelle raison le couple formé par René et Catherine veut il faire un testament?

Le document commence par les habituelles formules de l’époque, pour prévoir à la fois leurs obsèques et le salut de leur âme, ils font ensuite donation entre vifs de tous leurs biens au dernier des vivants.

37 […] nous nous sommes donnez et par ses présentes
38 nous donnons l ung l aultre et au survivant de nous deux
39 par cestuy nostre presant testament et ordonnance
40 de derniere volonté tous et chacuns nos biens meubles
(2)
1 choses dictes et censés meubles acquesz et conquez
2 immeubles avecq la tiers partie de tout et chascuns
3 nos dommaines et herittages ansiens le tout present et
4 advenir sans aucune reserve Pour desdites choses données
5 jouïr faire et disposer par le survivant de nous deux
6 en tout droit de propriétté Et les siens a perpetuité
7 comme de son propre et antiers donnant

L’acte aborde enfin le vif du sujet, la raison pour laquelle René Reil et son épouse ont décidé de faire leur testament.

6 en tout droit de propriétté Et les siens a perpetuité
7 comme de son propre et antiers donnant Et par ses
8 mesmes presantes nousdits conjoints pour l affection
9 que nous portons à anthoine Reil nostre fils nous
10 luy avons donné et donnons par ses presantes par
11 cestuy nostre presant testament et ordonnance de derniere
12 volonté attandu l infirmitte de son corps pour estre
13 incapable de gaigner sa vie, et pour le faire subsister
14 pendant icelle la jouissance d’une borderie size au village
15 du petit poy parroisse de sainct germain de longue chaume
16 avecq touttes le chasement  ? ses apartenances et despandances
17 quelconques sans aucune reserve ensamble La rante viagere
18 de vingt livres à prandre par ledit anthoine Reil sur tous
19 nosdits biens, present et advenir par chacun an plus veullent que
20 icelluy prenne, après nos déces une latte de lit avecq son
21 traversier ramply de plumes detoille de trollis six linceuls
22 de toille commune une couchette de bois de noyer et six serviettes
23 aussy de toille commune, pour desdites choses données jouir par
24 ledit anthoine reil nostre fils par forme d’uzufruit et
25 pandant sa vie durant seullement ainsy que bien luy semble
26 promettant luy garantir lesdites choses par nous données ors
27 que du droit donnateur  ? n y soict tenu Et ou nos aultres
28 enfans en voudroient laisser jouir ledit anthoine Reil
29 nostre filz sa vie durant desdistes choses a luy données
30 en ce cas et non aultrement luy avons donné le et donnons
31 par cestuy nostre present testament tous lesdits iceux nosdits
32 biens meubles acquez et conquest immeubles avecq la
33 tiers partie de tout lesdits iceux nos dommaines et
34 herittages ansiens le tout presant et advenir sans
35 aucune reserve et ce par preciput et advantage et sans
36 raport ny precompte venant par luy a nostre future
37 succession nostre intantion ayant touijours este
38 que ledit anthoine reil jouisse de ladite Borderie, cause
39 et meubles, pour le faire subsister pandant sa vie
40 seullement sans que dutotal il puisse disposer
41 pour quelques cause que ce soit, moyennant quoy ledit
(3)
1 anthoine reil ne partagera le parsus des aultres
2 dommaines et herittages tel qu il le trouveront apres
3 le deceds desdits conjoins et par ses mesmes presentes lesdits

Moi qui pensais grâce à ce testament savoir quels étaient les enfants encore vivants de René et Catherine en 1686, ou bien quels étaient leurs biens, je découvre que ce testament est fait pour protéger Anthoine, leur fils infirme. C’est une première pour moi, la mention de l’infirmité d’un enfant et le fait que ses parents cherchent à le protéger quand ils ne seront plus là. Et ca change la perspective que j’ai sur cette famille. Ils ne sont plus seulement de lointains Sosa, mais ils sont une famille, un couple qui s’inquiète pour l’avenir de chacun de ses enfants, pourtant nombreux, et qui s’assure que le plus faible d’entre eux aura de quoi subsister quand ils ne seront plus là pour s’occuper de lui.

J’avoue que je suis touchée et émue.

Que sais’je d’Anthoine ?

En dehors du testament de ses parents – qui si je comprends bien est une seconde version du testament, qui annule un premier testament dans le même sens – je ne sais que très peu de choses. Antoine est probablement né entre 1674 et 1676, mais je ne trouve pas son baptême dans le registre de la paroisse Saint-Jean à Parthenay, qui s’arrête en juin 1675. Le registre suivant ne commence qu’en 1690. Le baptême d’Antoine figure probablement dans les premières pages du registre manquant.

Anthoine est probablement le dernier des enfants que Catherine Pison a mis au monde, au moins le onzième enfant, à un âge que je ne connais pas avec certitude, puisque je n’ai pas retrouvé l’acte de baptême de Catherine. Mais elle s’est mariée en 1647, et elle avait probablement une vingtaine d’années. Si je prends l’année 1630 comme hypothèse de travail, en 1675, Catherine a environ 45 ans quand elle met au monde Antoine. Et 45 ans en 1675, c’est un âge bien avancé. L’accouchement s’est il mal passé, et Antoine souffre t’il d’une malformation qui en découlerait? Est il atteint de trisomie? Bien sûr, il est impossible de le savoir. Mais ses parents veulent le protéger, en lui laissant l’usufruit d’une petite borderie, ainsi qu’une rente viagère – bien minime – de vingt livres par an. De quoi ne pas le laisser à la charge de ses frères et soeurs, ou mendiant à l’hospice local.

Je n’ai pas davantage pu situer le village de « petit poi » sur la commune de Saint-Germain-de-Longue-Chaume, petite paroisse à l’ouest de Parthenay, en Gâtine, ni sur la carte de Cassini, ni avec un nom approchant sur la carte actuelle. Il y a bien un village de Puits sur le cadastre, mais s’agit-il du même lieu ? Retrouver la borderie donnée en usufruit exigerait que j’analyse tous les actes notariés – si tant est qu’il n’y ait pas de lacune – depuis 1686 jusqu’à la mise en place du cadastre. Mais je réside bien trop loin des archives départementales, situées à Niort, pour envisager ce projet.

Tout que je sais d’Antoine, c’est qu’il meurt le 21 février 1690, à l’âge approximatif de 16 ans.

AD79 – BMS Parthenay St Jean 1690-1701 – vue 2/96

Antoine, infirme, mort à l’âge de 16 ans, petit frère de mon ancêtre Jean Reil, présent à son inhumation, et auquel je n’aurais prêté aucune attention sans cet acte notarié inhabituel.


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