Philomène Blanco, mes racines espagnoles

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Mes racines espagnoles me viennent de mes deux arrières grands mères paternelles, Philomène Blanco et Marie Philippine Vialar.  Je ne sais quasiment rien sur l’ascendance espagnole de Marie Philippine Vialar, sur les origines de sa mère, Rose Marie Pons, à part que ses parents Joseph Pons et Marianne Munoz sont dit espagnols dans son acte de naissance. En revanche, j’en connais un peu plus sur l’ascendance et la famille élargie de Philomène.

En jaune, les ascendances espagnoles de mon père – Graphisme Geneanet

Mais pendant que je préparais l’article que je souhaite consacrer à la vie de mon arrière grand mère, Philomène, ou comme le disait papa « mémé Philomène », je me suis vite rendue compte que je ne savais à peu près rien de l’histoire de ces émigrants espagnols qui ont quitté la région de Valence, au milieu du 19ème siècle, pour s’établir sur les côtes de l’Algérie, en même temps que la France colonisait le pays.

Dans l’état actuel de mes recherches, les familles Aldeguer, Burgos, Garcia et Blanco, patronymes des quatre grands parents de Philomène, viennent tous de Guardamar del Segura, une petite ville au sud d’Alicante, et je les retrouve dans les années 1850 à Tenes, sur la côte algérienne.

La mémoire familiale ne m’a pas transmis la raison pour laquelle mes ancêtres ont quitté l’Espagne, je savais juste dans un coin de ma tête que ma grand-mère – oui, il y avait erreur sur la génération dans ce que j’avais compris et retenu – était d’origine espagnole, rien de plus. Mais les raisons de l’émigration de milliers d’Espagnols pauvres au milieu du 19ème siècle, dans cette région, ont été souvent expliquées.

L’accroissement démographique espagnol, ainsi qu’une infrastructure impuissante à absorber la population active, a poussé de nombreux Espagnols à prendre le chemin de l’émigration dès 1830 et les responsables politiques du pays à trouver dans cette émigration une échappatoire à l’instabilité sociale et économique. C’est sans doute l’émigration vers l’Amérique Latine et l’Europe qui a été la plus représentative, la plus reconnue et la plus étudiée ; mais, bien avant 1830, un important flux migratoire avait commencé à se développer en direction de l’Afrique du Nord (et plus particulièrement, l’Algérie) précédant ainsi les grandes vagues vers l’Amérique et ce, jusqu’en 1962, année de l’indépendance algérienne.
Cette première route migratoire est passée complètement inaperçue, la meilleure preuve en étant le fait qu’elle n’ait laissé aucune trace dans la littérature nationale, contrairement aux personnages plus tardifs du “Galicien” et de “l’Indien” de l’émigration vers l’Amérique. (…)
L’émigration espagnole en Algérie était pour l’essentiel saisonnière. Une fois les semailles d’automne effectuées, le journalier méditerranéen partait dans le pays africain voisin pour échapper au chômage saisonner. Il revenait dans la Péninsule en juin, au moment de la moisson. Dans les années de sécheresse, d’épidémies ou d’inondations, la paralysie des travaux agricoles conférait à l’exode des proportions énormes. La proximité de l’Algérie, ses similitudes de climat et de paysage avec les régions d’émigration, la rapidité et le bas prix du voyage, la facilité du retour, la certitude de rencontrer des compatriotes et des amis, l’assurance de trouver une occupation et le souvenir de bénéfiques expériences antérieures constituaient des attraits irrésistibles pour le travailleur miséreux. En deux mois, les travailleurs économisaient entre 100 et 130 francs, somme qui, convertie en pesetas était 30 à 50% supérieure, et représentait à peu près la moitié de leur salaire
annuel dans la Péninsule, une fois déduits les mois de chômage.
En revanche, ils ne revenaient pas tous. Une fois finis les travaux des champs, ceux qui avaient été engagés et qui réussissaient à s’assurer une garantie d’emploi durable restaient dans le pays. Ils appelaient alors leurs familles pour le leur dire, et l’émigration saisonnière devenait temporaire, premier pas vers une installation définitive. C’est ainsi que cette population fluctuante n’a pas tardé à se stabiliser puis s’enraciner, de sorte que la collectivité espagnole a fini par être la communauté étrangère la plus nombreuse de la colonie, allant même jusqu’à dépasser les Français en Algérie occidentale, l’Oranie ou Oranesado.

Extrait de Espagne, pays de migrations.

En analysant les actes de mariage de tous les Blanco, Burgos et Aldeguer du registre des mariages de Tenes – les seuls registres qui ont été numérisés par les Archives Nationales d’Outre-Mer – , j’ai pu reconstituer une partie de l’histoire de leurs familles. Il semble que les familles soient arrivés entre 1846 et 1850 en Algérie. Les dernières naissances d’enfants ensuite mariés à Tenes ou Orléanville et nés à Guardamar del Segura datent de 1845-1846. Le premier acte d’état civil impliquant une personne de mon ascendance directe en Algérie – dans cette branche – semble être l’acte de décès de Damienne Garcia, la mère de Jose Francisco Blanco, en 1850 à Tenes, selon l’information contenue dans l’acte de mariage de Jose Francisco , qui épouse en 1852 à Tenes Josepha Burgos.

Cette chronologie est cohérente avec l’histoire de la colonisation algérienne.

C’est en effet en 1843 que le maréchal Bugeaud va créer dans un premier temps une place militaire, Orléansville – l’actuelle ville de Chlef – et tracer une route qui rejoint la côte méditerrannéenne, près de la très vieille cité de Tenes.

L’intention du maréchal était de dominer, pour toujours, la riche vallée du Chélif et de créer, au centre de cette vallée, un établissement important qui put communiquer avec un port voisin, afin de pouvoir ravitailler ses colonnes […] En choisissant la position d’el Esnam, point intermédiaire et à peu près à égale distance de Millianah et de Mostaganem, nos troupes pouvaient à volonté se porter dans les montagnes difficiles et escarpées de l’Ouarensénis, par la vallée du Tygraout et communiquer avec le port de Tenès par la vallée de l’oued Rhean (ruisseau des lauriers roses).

Extraits de Souvenirs de l’Algérie

Il y a déjà une petite ville à Tenes, d’environ deux mille personnes, et dont l’origine est très lointaine puisqu’on suppose qu’elle remonte aux Carthaginois, sous le nom de Cartenne. Les soldats romains de la deuxième légion d’Auguste se sont également implantés là, comme le prouvent de nombreux vestiges.
La crique naturelle permet un mouillage assez dangereux, car exposé aux vents du Nord. Il faudra attendre une trentaine d’années pour qu’on construise un brise-lames efficace qui protégera la ville et les navires.

C’est près du plateau où se trouvent les ruines romaines, à l’écart de la ville kabyle, que la nouvelle ville européenne va être implantée.

En 1850, la population espagnole en Algérie est très nombreuse, la seconde population européenne à habiter et coloniser le territoire. Certaines villes, comme Oran, sont même majoritairement des villes espagnoles. L’immigration espagnole est en grande partie illégale, les passages ne sont pas officiels, du moins pas officialisés, mais les autorités sur place apprécient cette main d’oeuvre dure au travail, et parfaitement acclimatée aux spécificités locales.

Extrait du livre de JJ Jordi – Des Espagnols en Algérois

Alors que tant d’Espagnols vont s’installer en Oranais, plus proche des ports d’Espagne, et que l’on peut atteindre sans trop de mal simplement par cabotage, pourquoi autant d’habitants de Guardamar del Segura viennent ils s’installer à Tenes ? Il y a bien sûr les familles élargies de Philomène, qui toutes semblent être arrivées avant 1860, mais au gré des vues du registre des mariages de Tenes, je trouve quelques autres familles de la région. J’imagine qu’un ou deux hommes sont venus chercher du travail à Tenes, lors de la construction de la ville européenne. Parmi les Blanco, il y a entre autres des maçons et des portefaix. Sont-ils revenus en Espagne en faisant miroiter à leurs familles un pays de cocagne, où tout était à faire, où tout était possible pour des hommes courageux et travailleurs ? Sans doute ….

L’église de Tenes, construite dès la fondation de la ville européenne

Mes racines espagnoles sont donc passées par Tenes, à partir de 1850 – décès de Damienne Garcia, la grand mère paternelle de Philomène – jusque vers la fin des années 1880 probablement. En 1892, Jose Blanco, le père de Philomène, meurt à Orleansville. En 1895, Philomène et sa mère habitent à Alger.

L’extrême pauvreté des archives de Tenes, et la totale disparition de celle d’Orleansville, durement touchée le 9 septembre 1954 par un tremblement de terre, rendent illusoire une recherche plus détaillée. Il semble que les soeurs Clarisse, qui ont ramené avec elles une partie des archives de catholicité de l’évêché d’Alger, disposent de renseignements qui pourront m’aider un peu. Cette nouvelle dépense généalogique est prioritaire sur ma liste, dès que je le peux. Quant à contacter les autorités locales actuelles, j’ignore si les archives de Tenes sont coopératives …

Et avant Tenes, que puis je savoir sur mes racines espagnoles ? Puis je espérer grapiller quelques générations ?

Là aussi la recherche va être compliquée, les archives paroissiales de Guardamar del Segura ayant totalement brûlé. Il semble qu’on puisse remonter quelques filiations grâce aux actes notariés, mais mon espagnol est totalement inexistant – ce dont j’ai un peu honte maintenant, je l’avoue. Là encore, je crains de ne pouvoir avancer vraiment sans débourser quelques centaines d’euros …

Et pourtant, mes racines espagnoles font partie de mon ADN, comme l’analyse faite en 2016 chez Ancestry semble le constater.

Analyse autosomale chez Ancestry DNA

36% de péninsule ibérique, cet ADN vient il de Philomène ? De Marie Rose ? Ces traces me permettront elles un jour de retouver un cousin lointain du côté d’Alicante, et de remonter ainsi quelques générations supplémentaires ?

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